samedi 27 septembre 2008

Dark side of the blog

Chers amis lecteurs, ce n’est pas la fin, je me sens tout simplement l’âme au bilan.

J’ai atteint le stade critique où le nombre de mots contenu dans ce blogue dépasse celui de mon mémoire... ce qui n’est pas très sérieux (pour le moment du moins). Cela m’aura au moins appris une chose : j’aime écrire. J’ai mis des heures pour écrire et réviser certains billets, dont je suis, sans prétention, assez fière, même s’il ne s’agit que d’anecdotes rurales et banales. Je crois que j’ai besoin de rendre ma vie extraordinaire et trépidante à mes yeux en la réécrivant, et en la partageant surtout. J’en ai besoin, parce que je suis éloignée de tout ce que je connais. J’ai l’impression qu’en écrivant (et en riant beaucoup de) ma petite vie, même si c’est n’importe quoi, j’arrive à mieux la comprendre et l’apprivoiser.

Mais c’est à la fois stimulant et déprimant.

Parce que je suis un peu (pas mal) accroc à Internet depuis que je suis arrivée ici, et ça commence à devenir un vrai bouffe-temps. Tenir un blogue ne m’a pas nécessairement aidé dans ce cas-ci. De façon générale, j’ai de la difficulté à me débrancher, comme si j’avais peur de manquer quelque chose ou de manquer à quelqu’un, comme si Internet était tout ce qui me restait pour faire la part des choses et rassembler mon monde... c’est pas tout à fait vrai... c’est mon imagination qui comble les vides et qui fait tout le travail en fin de compte : je suis juste assise devant l’écran de mon existence, et je me sens de moins en moins bien dans cette position. J’ai le sentiment de vivre deux moitiés de vies qui ont du mal à s’accorder : ma vie de Montréal, parce que je garde contact avec tout le monde, mais que je n’y suis pas, et ma vie de Française que je ne vis pas à fond à cause de ma vie fictive à Montréal. Étrange tout ça... Je crois bien avoir trouvé la source de ce mal du pays qui me ronge encore, mais plus de la même façon. Dans ces conditions, c’est dur de trouver un équilibre, quel qu’il soit. Je me sens pognée dans une cage virtuelle. Cette semaine, je me suis rendue compte que ça faisait huit mois que je n’avais pas mis les pieds au théâtre alors que j’y allais parfois 3 ou 4 fois par semaine... et en plus je donne des raisons bidons quand on veut savoir pourquoi je n’y vais pas.

Changer de raison de vivre, ça me fait peur, plus que de changer de pays.

Étant donné mon planning surchargé des prochaines semaines, je me dis que c’est certainement le bon moment pour enfiler les bottes de la réalité et sauter à pied joints dans la bouette du plancher des vaches. J’ai envie de redevenir la personne que je connais bien, la même qui a décidé un jour qu’elle irait vivre en France, celle qui connaît par coeur la programmation de tous les théâtres de la ville, celle qui a envie d’écrire un mémoire.

jeudi 25 septembre 2008

Tag!

Un gars pressé m’a donné la tag, ça tombe bien, j’ai pas grand chose d’intéressant à raconter ces temps-ci, à part que je capote, que je suis allée voir 5 fois dans ma boîte aux lettres hier et que j’y ai trouvé mon certificat de naissance vers 15h30. Quel soulagement de savoir qu’on est bien né!

1-Que retrouve-t-on dans votre IPOD ?
Disons ce que j’écoute le plus... le dernier album de Fersen, celui des Dales, celui de Karkwa, Artist of the year, The Ting Tings, El motor, The Beatles, Misteur Valaire, Moussu T, Nina Simone, Patrick Watson, les grands succès de Michel Fugain (pour ne jamais oublier de faire comme l’oisoooooooooo et de chanter la vie comme s'il fallait mourir demain !) J’aimerais mettre dans mon ipod un nouvel album de Fred Fortin, mais je ne peux pas parce qu’il n’existe pas encore (à moins que je sois ben en retard dans les nouvelles. Dites-le moi si ça sort un jour !)

2-Quel est votre livre de chevet ces jours-ci ?
Le brouillon de mon mémoire et Un long week-end à Londres, j’y vais le 10 octobre pour mon bachelorette party !

3-Votre dernière visite au musée remonte à quand et où ?
C’était l’exposition de photos d’Édouard Boubat à la Maison Européenne de la Photographie à la fin du mois de mars 2008. Je ne suis pas très musée.

4-Quel film allez-vous revoir toute votre vie ?
The Abyss, je me tanne pas... quelle histoire quand même, hein, j’aurais aimé ça que ça m’arrive.

5-J’aurais voulu être un artiste… lequel ?
Robert Lepage

6-Avez-vous un talent insoupçonné des lecteurs ?
Je fais de la crisse de bonne sauce à spag.

7-Que proposez-vous pour rassurer le milieu culturel face aux récentes coupures dans les programmes ?
Je dis comme Gautier (t’as ben raison) et j’ajoute pour ceux que ça concerne : allez donc voter au lieu de vous penser hot de pas y aller.

8-Avez-vous un talent artistique caché ?
Pour le moment, il est encore bien caché... je pense que je fais de la photo pas pire.

9-Quel est le spectacle le plus marquant de votre vie ?
Celui de Paul McCartney à Québec cet été. Des fois je me demande si c’est le show, l’attente pour le show ou le fait que je pensais vraiment pas être au Québec pour voir ça qui m’a le plus marqué.

10-Vous allumez la télé pour regarder quoi ?
Criminal Minds et Doctor House.

11-Quel est votre superhéros favori ?
Gregory House, il sauve des vies juste parce qu’il est intelligent, c’est pas rien.

Je passe la tag à Stéphane et Éric !

mardi 23 septembre 2008

Never Ending Wedding

Aujourd’hui, je comprends mieux l’expression qui stipule qu’on ne se marie qu’une fois dans sa vie. Qu’importe les événements qui constitueront le fil de mon existence jusqu’à ma mort, je ne me marierai pas deux fois (prétendants anonymes, cessez d’espérer!) C’est rassurant...

Chéri et moi courons depuis un an maintenant le marathon du Mariage... oui, car le Mariage commence d’abord le jour où on l’annonce aux personnes de son entourage, et constitue, à partir de cet instant fatidique, le principal sujet de conversation. Amis et parents (surtout parents...), chacun d’eux a sa propre vision du déroulement de l’événement et tous tiennent à placer gentiment leur grain de sel dans notre château de cartes. Nous sommes constamment en quête d’un parfait équilibre qui pourra plaire à tous, ainsi qu’à nous-mêmes. Il faut lâcher prise... vous voulez rire?!? C’est impossible, car le Mariage vous talonne. Il devient votre animal domestique. Vous le promenez partout, il faut le chouchouter : en public, tout le monde s’y intéresse. Il se couche au pied de votre lit. La nuit, il vous empêche de dormir...

Le Mariage a aussi la réputation d’être une des plus belle journée de notre vie et se doit donc d’être inscrit dans les annales comme un moment inoubliable, et ce, non seulement pour les mariés, mais aussi pour les 80 invités au Mariage, ce qui implique que les futurs mariés, directeurs, coordonnateurs et gestionnaires du projet, vivent sous le joug d’une pression monstre. Dans un château ou dans une ferme? Complet noir ou gris? Salade de riz ou de pâtes? Faisan ou magret de canard? Quel thème pour la pièce montée? Y aura-t-il assez de boisson? Si on passe Sex bomb de Tom Jones durant le party, est-ce que ça le fait? ... et combien ça coûte finalement?!? ...!!! F***! ... Ceci sans compter les multiples visites et rendez-vous dans les diverses Maisons des Fous, les formulaires à remplir, à signer et à viser. Gamache, Morier ou Gamache-Morier pour la postérité? Recevrai-je mon certificat de naissance à temps? (il y présentement (en plus d’une grève de RER) une grève de la poste... si je ne dépose pas mon dossier complet à la Mairie au moins 12 jours avant la cérémonie... ils ne pourront pas nous marier. Je ne suis pas stressée, noooon, pas pantoute...)

En effet, je n’oublierai jamais les 300 et quelques jours de notre Mariage. Un mois avant le jour J, le marathon tire à sa fin. On a maigrit pas mal (ma robe est lousse, alors je me bourre de fromage) et on commence à avoir des crampes aux mollets. On croit bien l’emporter et passer le fil d’arrivée haut la main le 18 octobre, même si certains soirs, en entendant ronfler notre Mariage dans son panier, on se dit tout bas, pour ne pas le réveiller, qu’on a hâte au 19 ...

samedi 20 septembre 2008

Parler mal et fort - Des nouvelles de mon accent II

«C'est la première fois que je lis (et relis) quelque chose d'aussi argumenté et qui fleure aussi mauvais la réalité sur ce que vit un Québécois en France.»

J’ai hésité longtemps avant de publier le dernier billet. J’avais peur qu’il ne s’en dégage un peu trop d’amertume et ce n’était pas un coup de poing que j’avais envie de livrer comme message. Je me disais : ouain, je vais peut-être avoir l’air pas gentille si j’écris ce que je pense... j’ai essayé de le faire avec le plus de tact possible. J’avais aussi l’intention de l’écrire en deux temps (sans savoir exactement ce que j’allais écrire au deuxième temps...), ce que je vais m’appliquer à faire dès maintenant, puisque la petite phrase en exergue m’a inspirée (et j’en remercie l’auteur). La réalité linguistique des Québécois en France, au Québec et ailleurs m’intéresse depuis longtemps. J’y suis donc extrêmement sensible et je remarque tout... sans toutefois entretenir de haine envers les Français et leur comportement face à la langue des Québécois. Je ne me sens pas persécutée et je ne pense pas qu’en maudissant les Français je me sentirai mieux dans ma langue. Les divers traumatismes linguistiques vécus pendant mon séjour en France n’ont pas fait de moi une personne aigrie (du moins, si je l’étais, je ne le suis plus) et je n’ai pas de raison de le devenir : je me marie avec un Français, hein, quand même! Et j’ai bien l’intention de vivre avec nos accents pour le meilleur et pour le pire.

Cela dit, une fois qu'on s'habitue à faire un peu plus attention en parlant, ça va. Ça n'a rien de tragique, c'est juste anormal de devoir prendre cette habitude alors que je parle français (un français métissé est-il pour autant incompréhensible?). Et c'est sournois aussi. Au-delà des imitations et des commentaires de mauvais goût, chaque fois que je parle, je me dis « bon, il ne faut pas que je parle mal» alors que c’est la seule langue que je connaisse et que je puisse utiliser pour exprimer mes sentiments, ma réalité... et pour communiquer avec les autres francophones. Les Québécois se disaient la même chose au début du XXe siècle à Montréal, mais à ce moment-là, c'était non seulement face aux Français, mais aussi face aux Anglais (un des moment dans l’histoire du Québec où le français a changé le plus). Et on m’a rappelé, dans les commentaires du premier billet sur le sujet, que c'était le cas même à l'Université, au département des littératures de langue française en 2008, et pas juste en France. On se dit la même affaire depuis longtemps : je parle mal, et dans toutes les langues. Alors, quelle langue pour les Québécois? Comment faut-il parler pour sortir enfin du cercle de l’accent vicieux?

«Je parle mal». Rien pour conforter mon ego, ni pour me rendre crédible aux yeux des autres : bafouiller, s’enfarger dans les mots, bégayer en parlant finalement un français sans couleur et qui n’existe pas, ça ne met personne à l’aise. J’ai dû trouver une solution «coup de tête» pour me sortir de l’enfer du langage qui commençait sérieusement à m’empoisonner l’existence (ce n’était pas une bonne idée de faire semblant que j’étais muette.) Comme je suis incapable de prendre l’accent français, j’ai décidé de faire le contraire. Advienne que pourra, j'allais «parler mal», mais surtout parler FORT! Cela impliquait qu’à chaque fois que j’ouvrirais la bouche les «Mais, vous êtes Canadieeeeeeeeennne!» allaient retentir de plus belle dans le ciel de l’Ile-de-France, que j’allais devoir expliquer à tout un chacun que je n’avais jamais vu de caribous de ma vie, ni jamais eu de mésaventures avec des ours (je sais pas pourquoi, les ours sont ben à la mode par les temps qui courent en France, plus que les caribous), que je ne connaissais pas Céline personnellement («...mais j’vais quand même lui passer l’bonjour de votre part!») et qu’on allait répéter après moi, ce qui n’est pas tout à fait ma définition du dialogue intelligent.

Le meilleur endroit pour parler mal et fort, c’est dans le RER ou dans le métro, parce que la plupart des gens sont seuls et n’ont rien d’autre à faire que d’écouter les autres. Certains d’entre eux me regardent et m’écoutent attentivement, les yeux sortis de leurs orbites et les narines dilatées, pour ne rien manquer de ma conversation avec Chéri, avec qui je ne fais aucun effort de diction (ils ont l’air parfois de se mordre les lèvres pour ne pas me demander si je suis bel et bien Canadienne, c’est quand même assez fascinant.) J’ai l’air bizarre, mais au moins, personne ne m’interrompt, tout le monde écoute, et à mon avis, ils doivent se rendre compte qu’ils comprennent plus le Québécois qu’ils ne le pensent. Je me dis qu’il se peut que la prochaine fois qu’ils écouteront une émission québécoise ou un artiste québécois à la télé française, ils feront peut-être un peu moins attention aux sous-titres, vu qu’ils ont compris une Québécoise live dans les transports en commun. Le deuxième meilleur endroit pour parler mal et fort, c’est dans les cafés. Quoi de mieux que d’afficher sa Québec-attitude au sein d’une gang de Français. Encore une fois, les têtes se retournent et les regards fusent... Et soudain «Mais, vous êtes Canadieeeennnne!» Vu que j’ai des amis Français qui ont survécu à l’accent québécois, étrange, on ne m’imite pas... ou bien vite fait, pour ne pas avoir l’air trop abruti.

Le but de cette entreprise? Me défolkloriser. Ça marche.

Je suis actuellement à la recherche du troisième meilleur endroit pour parler mal et fort et qui, j’espère, saura me guérir de ma surconscience linguistique. C’est peut-être ici qu’il se trouve, en fin de compte... le seul endroit où je peux écrire un peu comme je parle...

jeudi 18 septembre 2008

Des nouvelles de mon accent

«Alors Rachel, toujours pas perdu ton accent?» me lance un de mes amis Français, tout frais revenu du Québec. «Naon, toujouwh pâs!».

Il faut dire que je ne venais pas ici dans l’idée de perdre mon accent. J’ai bien pris quelques intonations «à la française» (ce qui amuse follement certains Québécois qui, comme les Français, se mettent à répéter après moi... Alleluia). Chéri a lui aussi adopté quelques expressions québécoises, rien de plus normal. C’est dur, perdre un accent, quand on sait qu’on pense avec cet accent (dans ma tête, je parle québécois, je lis en québécois, je rêve en québécois... pas en gros joual là, juste en québécois normal). Alors, pour ceux que ça inquiète, rassurez-vous, mon accent ne s’est pas perdu, et croyez-moi, il est bien présent, surtout quand je suis soûle (c’est comme l’anglais, ça vient tout seul avec un verre dans l’nez!). Sans avoir nécessairement «préserver» mon accent de l’envahisseur Français, disons qu’il n’est juste pas parti comme ça, tout seul. Les Français qui m’entourent se sont habitués à mon accent et moi je me suis habituée au leur (le jargon français est pas mieux que le Québécois, en passant, je comprenais rien au début et je ne pouvais pas rester concentrée sur ce qu’ils racontaient). Je reconnais aussi la face qu’ils font quand ils ne comprennent rien de ce que je dis, alors je répète avec d’autres mots (les Québécois, éternels traducteurs). Depuis que j’ai signifié que ça faisait 8 mois que j’habitais ici et que j’étais écoeurée de me faire imiter à tout bout de champs, y’en a plus de problème. Youpidoo!

Non, pas tout à fait. Préserver, ne pas perdre, garder fièrement son accent québécois (oui, il faut préciser : je ne pense pas que le problème soit le même pour un Marseillais voyez-vous...) signifie ne jamais se faire comprendre dans la vie courante. Par exemple, l’autre jour, j’étais pognée en char en plein milieu d’un carrefour lorsque le feu a passé au vert pour les automobilistes qui venaient dans l’autre sens. En France, quand ce genre d’incident arrive, les gens te foncent dedans (au lieu d’attendre 2 secondes que tu puisses avancer) et t’envoient chier, il faut vivre avec. Un motocycliste me fait signe de ne pas avancer (donc de rester en plein milieu du chemin, ce qui est absurde) et je lui lance par ma fenêtre ouverte un «Ben oussé veux-tu que j’aille câlisse!» qui n’a pas eu tout à fait l’effet escompté, parce que personne n'a compris ce que je venais de dire : dans ce genre de situation, je parlerai toujours une langue étrangère. La spontanéité, on oublie ça: je ne suis pas capable d’envoyer promener quelqu’un en français de France, même si j’adopte toute les intonations.

Pour faire la conversation aux gens que je ne connais pas avec mon accent, il faut accepter (je l’ai fait) de rester toujours une étrangère dans un pays qui ne semble pas vouloir devenir le mien («Vous êtes Canadienne!» C’est immanquable, mais c’est pas grave... les gens sont la plupart du temps ravis de pouvoir parler avec une Canadienne) et faire attention aux mots que j'utilise. Les gens que je ne connais pas, mais à qui je parle plus souvent, ma propriétaire ou le tabagiste, me font la remarque (désobligeante) suivante : «Votre français semble s’améliorer...» Mon français n’était pas plus ou moins moche avant, il était différent, et maintenant, il ressemble un peu plus au vôtre. J’ai souvent envie de dire qu’il y a des milliers de personnes de l’autre côté de l’Atlantique qui parlent comme moi. Entendez vous! CE N’EST PAS LE FRANÇAIS DU XVIIIe SIÈCLE! C’est le français Québécois du XXIe siècle!

Il y a aussi tous les petits malaises inclassables. Que pensez-vous de celui-ci, c’est dans le dernier Elle cuisine : «Sur le site http://www.cookshow.com/, pros et amateurs du monde entier se côtoient sans complexe, pour nous livrer recettes et astuces en vidéo. L’occasion d’apprendre à réaliser du sirop d’érable au gingembre, guidé par un chef québécois, en V.O.» Abasourdie de trouver dans la même phrase les mots «sirop d’érable», «québécois» et «V.O», je me suis posée deux-trois questions. Pourquoi étais-ce nécessaire d’écrire «en V.O.»?!? Chef québécois aurait suffit... Il faut savoir que tout ce qui sonne québécois ici est sous-titré ou doublé en Français de France (sauf la pub pour le nouveau sandwich Canadian Wild de Mc Donald... sans commentaire). J’ai fait le saut l’autre jour, je regardais la télé et j’ai vu un comédien québécois dans une pub de char, doublé avec l’accent français. Donc, en écrivant V.O., est-ce qu’on averti le lecteur que cette recette sera nécessairement plus compliquée étant donné l’accent québécois? Peut-être. N’est-ce pas paradoxal qu’on signifie dans la phrase précédente que les chefs du monde entier se côtoient sans complexe? Il y en a bel et bien un complexe, et c’est celui de la V.O., l’accent québécois réputé incompréhensible et qui reste, envers et contre tous, une stupide curiosité folklorique. Aurait-on écrit V.O. si on avait parlé des gaufres succulentes d’un chef Belge, d’une fondue au fromage Suisse, d’une omelette Basque, d’un cassoulet Toulousain? Non. Sirop d’érable, québécois, V.O. ... ça me donne presque envie de giguer... Moi aussi je peux écrire des phrases paradoxales. En voici une : Le problème avec les Québécois, c’est qu’il parle dans leur langue maternelle, le français.

Je vais me chercher du travail après mon mariage et je redoute les entretiens d’embauches. Et si mon futur employeur se mettait à m’imiter à chaque fois que je parle pendant l’entretien? Et si, une fois embauchée, les employés faisaient pareils? Je devrais (encore) expliquer que je suis écoeurée qu’on m’imite, et personne (encore) ne me prendrais vraiment au sérieux... « C’est pour te taquiner...» Ouain... Ta yeule. Une amie Française me racontait en fin de semaine qu’elle avait dû faire le message de fermeture du magasin à l’intercom lors de sa première journée de travail, que ça l’avait gêné... et si j’avais à le faire, moi, est-ce que les clients comprendraient ou bien n’écouteraient-ils que mon accent? Et si on refusait de m’engager parce qu’on redoute l’effet qu’aura mon français sur le public? Et si on me considérait comme l’innocente de service? Cette carte-là, on m’a conseillé de la jouer pour me trouver du travail... ça a l’air con, mais les Québécois ont cette gentille réputation ici. Sérieusement, ça met peut-être plus de chances de mon côté (sauf quand je magasine : dès qu’un vendeur entend mon accent, il s’empresse de me bourrer comme une valise pour me vendre son stock). On m’a dit de jouer la carte de l’anglais aussi : ici, je suis top bilingue... Bonjour, je m’appelle Rachel Gamache, je suis une gentille bilingue et je parle en V.O.

Ce n’est pas une farce. Normalement, on ne pense pas à tout ça quand on doit parler. Moi, j’y pense toujours, inconsciemment. À chaque fois que je rencontre un nouveau Français, je dois tout reprendre dès le début : articuler en malade, choisir et peser chacun de mes mots et surtout dire de ne pas m’imiter, que c’est agaçant à la fin, que ça fait huit mois que je vis ici... Je sens que RIEN ne me pousse à préserver, conserver, garder mon cher accent (sauf ceux qui ont de la compassion pour ma situation) et je comprends mieux pourquoi maintenant certains Québécois ont choisi de jeter le leur. Je ne leur en veux plus, c’est beaucoup plus facile ainsi de se mêler à la masse. Pourtant, moi, je résiste, pour le moment et pour longtemps, j’espère... Mais je n’ai rien à attendre en retour de cette résistance. Quoi que j’y fasse, ma langue changera et me trahira à nouveau quand je serai de retour au Québec. Chaque fois que je parlerai, on le saura que j’ai passé pas mal de temps en France. Et je devrai jongler éternellement avec les langues qui fabriquent mon identité. «Hi, my name is Rachel» «Where are you coming from, with this english? France? You speak well!»« No, I’m French Canadian... from Quebec»«I didn’t know that people were still speaking French in Canada?!?...»«Well... we keep some secrets like that... but maybe we’re going to bring this one in our graves»«Sorry... I didn’t get it. Could you repeat, please?»

On est bien au Québec, entre Québécois. On est comme dans un petit nid, chaud et douillet, une île... on cajole nos idéaux politiques, notre langue, notre culture, notre chaleur humaine (reconnue internationalement) et notre poutine. C’est bon, dans notre cocon on a réussi : on a survécu à l’envahisseur culturel et linguistique. On se sent menacé parfois, mais de l’intérieur, et les petits feux de pailles, on a vite fait de les éteindre au fond. Le reste du monde (même les États-Unis) est loin, très loin de nous.

Et c’est peut-être pour cette raison qu’ici (et ailleurs sans doute), on nous connaît encore aussi mal.

lundi 15 septembre 2008

Mamie Nova, la star de Bonnelles

Avec la fin des vacances, Bonnelles est redevenue normale (!). Les lycéens gueulent à toute heure dans la rue, Jean-Pierre donne à nouveau des cours de yoga le jeudi après-midi, il y a une file d’attente d’une heure au bureau de poste, Patrick et sa femme hystérique ont ré-ouvert le bar-tabac du coin (qui a été fermé 1 F**** MOIS!), les poltrons sont d’ailleurs tous de retour au comptoir vers 16h30, et avec eux, évidement, le vieux vicieux trachéotomisé pour de faux, sa canne, son caddie de cannes à pêche et sa chienne de travail bleue sale (son chien marocain doit être mort puisqu’il n’était pas avec lui, mais je ne lui ai pas demandé, vous savez pourquoi). Je ressens quand même un peu de compassion pour lui, mais je reste sur mes gardes. En sortant du cours de yoga jeudi passé, il était là (il m’attend...) et a tendu la main pour que je la lui serre. (Ben oui! Comme si j’allais tomber dans le panneau!) J’ai dit «nonnonononoooon!!!» en agitant les mains en signe de refus, et j’ai pratiquement couru jusque chez moi. Il fait pitié : je suis sûre qu’il ne se souvient même pas qu’il m’a embrassé sans vergogne au printemps dernier et que je lui en veux encore. N’empêche, il m’énerve. Entoucas, je vais essayé de le prendre en photo, ça vaut la peine de lui voir la gueule. Il y a plusieurs énergumènes de ce genre à Bonnelles. Samedi matin, Chéri va chercher une brioche à la boulangerie, 30 secondes de marche, aller-retour. Il a pourtant mis 15 minutes pour y aller et revenir, découragé :«Putain, j’ai rencontré Mamie Nova...» Dépendamment de la catégorie d'énergumène que l'on rencontre sur notre route, aller à la boulangerie prend plus ou moins de temps.

La première fois que j’ai rencontré Mamie Nova, ce devait être au mois de février dernier, je venais tout juste de m’installer à Bonnelles, et j’allais sûrement, un peu comme Chéri samedi dernier, chercher du pain à la boulangerie, quand une vieille femme vêtue d’une étrange façon m’a fait signe dans la rue. Il faut tout d’abord savoir que, dans les rues de Bonnelles, tout le monde se salue : Bonjooouur!!! Alors je salue la vieille, et elle me répond :

- Mais on se connaît!!!
- Non, je pense pas, je viens d’arriver...
- Mais siiiiii! C’est moi, Mamie Nova, la star de Bonnelles! (ah ben, la star de Bonnelles...)
- Non mais chu pas venue à l’école ici, j’étais au Québec... c’t’impossible...
- Tout le monde me connaît, tous ils m’appellent Mamie Nova, la star de Bonnelles. C’est parce que j’ai enseigné 25 ans au lycée, vous devez vous souvenir de moi, je servais aussi les repas du midi à la cantine. Comment vous appelez-vous déjà?
- Rachel Gamache
- Je me souviens de vous, vous étiez dans la classe de machin en telle année...
- Ah ouin?!? (J’ai joué le jeux, voyant qu’elle ne me lâcherais pas) ça me dit quekchose...

Après, elle m’a parlé de ses problèmes de santé et de l’opération au genou de sa soeur pendant au moins dix bonnes minutes.

Ce qui m’a étonné à ce moment-là, c’est qu’elle n’avait rien à faire de mon accent québécois gros comme le bras, ça ne lui a pas sonné une cloche, sa célébrité l'a rendue sourde... j’en étais presque vexée... moi qui croyais être alors LA superstar de Bonnelles depuis mon arrivée, la vieille folle m'avait, depuis longtemps déjà, volé la vedette.


*****

ERRATUM : Je suis allée souper avec mes compagnons de voyage en fin de semaine et j’ai appris finalement que le cochon qui nous avait attaqué en Corse était en fait (a(w)ôôôôôh Cochooooonne!) une femelle sanglier.

mercredi 10 septembre 2008

Corse 103 - Comment se faire attaquer par un cochon sauvage

Après les cochonnes, les cochons, ça va de soi.

Ce qu’il faut d’abord comprendre, c’est qu’en Corse, les animaux sont libres d’errer où bon leur semble. Quand on va au restaurant, il y a toujours deux-trois chats et deux-trois chiens qui viennent s’asseoir à côté de toi à tour de rôle pour partager ton assiette. Ça dérange personne. (Y’a même un chien qui m’a suivie jusqu’à la voiture et qui a tenté de voler le paquet de biscuits que j’avais laisser dans la portière.) Les animaux dits «de la ferme» ne font pas exception à la règle. Par exemple, j’escalade une montagne (pour aller voir le Lac de Nino, 1762 mètres au-dessus du niveau de la mer), en haut il y a des vaches et des chevaux (je sais pas comment ils ont fait pour arriver là, mais ils y sont). Ils sont tous marqués ou ont des cloches dans le cou, ce qui signifie qu’ils appartiennent à quelqu’un (quelle perspicacité me direz-vous!) qui les laisse paître comme si de rien n’était. Comme vous pouvez le constater, la Corse, c’est ben relax. Donc, les animaux se promènent et parfois se trouvent sur la route, au détour d’un virage en épingle ou plus fréquemment, en plein milieu du chemin, surtout la nuit. Il n’y a pas que des chiens, des chats, des chevaux et des vaches, non non, il y a aussi des cochons. Certains sont marqués, et d’autres non. Il existe donc des cochons sauvages (pas des sangliers, des cochons) qui vivent dans la forêt et que les Corses chassent (pour faire du Lonzu, miam). D’ailleurs, une nuit, ça m’a empêché de dormir. Je vous explique la chasse au cochon sauvage : 5-6 chasseurs se placent au bord de la route, face à la forêt, sur environ 500 mètres de long disons. D’autres chasseurs partent de l’autre bout de la forêt et font une battue pour pogner les cochons en sandwich (en smoke-meat) et les tuer. C’est pas très éthique comme façon de chasser le cochon, ni très prudent (je voudrais pas être le chasseur qui fait la battue...), mais ce qui me dérange le plus là-dedans, c’est le bruit des klaxons. Admettons que quelqu’un passe en char sur la route et qu’il est, soit végétarien, soit anti-chasse-aux-cochons, soit un méchant farceur, il va peser sur le klaxon pendant 500 mètres pour que les cochons aient peur et se sauvent, ce qui, évidemment, a pour principale conséquence de faire chier les chasseurs et la fille en camping, 5 kilomètres plus loin. C’est très écho, la Corse.

On allait se baigner dans une rivière (pas la même que celles des cochonnes, une autre, près des Aiguilles de Bavela, au Sud) et on voulait pique-niquer là-bas. On avait plein de provisions succulentes. Rendus dans le stationnement en haut de la rivière, on aperçoit le plus gros cochon sauvage qu’on ait jamais vu pendant notre séjour en Corse, c’est-à-dire qu’il faisait environ 3 pieds de haut (il m’arrivait un peu plus haut que la taille, genre) et au moins 6 pieds de long (je vous jure, j’exagère pas, il aurait été plus grand que moi s’il s’était tenu debout). Il vaquait dans le stationnement, comme s’il était chez lui, et personne ne s’en préoccupait, même s’il approchait de très près les personnes et les voitures. Il était gros, mais ultra maigre, l’air malade, bref, il n’inspirait pas confiance, mais on essayait de l’ignorer tout en ouvrant le coffre du char et en chargeant l’épicerie dans nos sac-à-dos. Laetitia me tend un premier sac de fruits que je place dans mon sac-à-dos en lui jasant. Elle aperçoit soudain le gros cochon à côté d’elle (moi je ne l’avais pas vu) et se met à crier en reculant. Le gros cochon grogne et semble en avoir après le deuxième sac de fruit qu’elle voulait me donner. Je suis pétrifiée; nous l'étions tous. Laetitia essaie alors de se faire obéir du cochon en lui disant : NON! NON! NOOOOOOON! Je ne bouge toujours pas, Laetitia a toujours le sac de fruits dans sa main. Le cochon insiste et Laetitia, qui est maintenant pognée entre la bête et un gros arbuste, fini par lui lancer le sac de fruits au moment où il tente de la mordre (et oui, un cochon, ça mord). Le cochon a tout mangé, même le sac plastique (nous ne saurons jamais s’il a chié emballé pouhahaha!) On est vite descendus à la rivière, traumatisés par l’incident du cochon affamé.

En revenant (3 heures plus tard), on s'est rendu compte qu'on avait laissé la porte de la voiture ouverte (pas débarrée là... grande ouverte!). On s’est même pas fait volé le MP3. Relax...

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Méchante belle journée aujourd’hui. Je me suis réveillée à 4h du matin, top shape. Je me suis levé, j’ai allumé l’ordi : mon ami Simon Poulin reprend du service sur Ton papa me fourre! Et je pogne Éric S. Lalère sur msn. J’ai terminé une nouvelle et je l’ai envoyée pour le Livre noir de Ta mère (oui oui je vous tiens au courant, elle est tellement étrange cette nouvelle que j’ai franchement aucune idée du verdict de Ta mère. Entoucas.) J'ai aussi découvert comment mettre des hyperliens dans mes billets (ben oui je suis slow...)!

lundi 8 septembre 2008

Rien de nouveau sous le soleil

J’habite à Bonnelles depuis le 27 janvier 2008, malgré les difficultés d’adaptation auxquelles je fais face, Bonnelles, la région parisienne, c’est chez moi, je me suis habituée, j’ai mes repères maintenant. Même si je ne travaille pas, j’ai une routine (et les êtres humains ont besoin d’un minimum de routine pour ne pas devenir fous) : je me lève, je fais du yoga, je me fais du café, je déjeune, je m’assis à l’ordi et je prends tous mes messages, j’y réponds, je prends ma douche, je me rassis devant l’ordi, je travaille (ou pas, ça dépend!), je dîne, je vais prendre une marche, je reviens, je fais la vaisselle, je me rassis devant l’ordi, je lis les nouvelles de Montréal, je re-travaille (des fois (!)), Chéri rentre vers 18h, on se fait à souper, etc. (Maintenant, vous savez tout de ma vie!) C’est cave, mais c’est de même à tous les jours de semaine, avec quelques variantes évidemment, et c’est pas nécessairement plate, sans être nécessairement passionnant. C’est la vie. C’est vrai que je sors moins qu’avant en semaine, et je suis engagée dans beaucoup moins de projets, mais je ne pense pas que ça change quoi que ce soit au besoin de vacances.

Deux ans que je n’avais pas pris de vrais vacances (depuis les trois semaines que j’ai passé en France en août 2006). Par vacances, j’entends s’en aller loin de chez soi pour au moins deux semaines, et s’obliger à ne rien faire d’autre que d’être là et de vivre où on se trouve. Pas obligé de se saigner financièrement (en fait ce ne serait pas des vacances si on pensait toujours à l’argent, n’est-ce pas?), ou de prendre un avion pour Tombouctou. Vous voyez ce que je veux dire : les vacances c’est s’en aller loin de chez soi, au propre comme au figuré. Sortir de la routine pour une fin de semaine de trois jours, ça ne fonctionne pas, ce n’est pas assez malheureusement : en trois jours on n’arrive pas à sortir de sa tête, on pense toujours à ce qu’on a à faire lundi... Même pour une semaine : je suis allée au Vermont une semaine l’été dernier. Aujourd’hui je me rends compte qu’à ce moment-là je n’avais pas réussi à décrocher. Trop de tourments accumulés en un an pour pouvoir les évacuer en 7 jours.

C’est dur de se sentir en vacances. Malgré le décor paradisiaque de la Corse, je n’arrivais pas à me dire que je méritais réellement ce séjour. C’est complètement irrationnel de se dire ça alors que ça faisait deux ans que je ne m'étais pas arrêtée pour plus d’une semaine! Pendant les 5 ou 6 premiers jours de mes vacances en Corse, je regrettais de ne pas avoir amené le brouillon de mon chapitre théorique et Anne Ubersfeld avec moi. Je crois que je suis peut-être victime du préjugé selon lequel les étudiants se pognent le cul aux frais du gouvernement (et je ne dois pas être la seule): j’ai eu beaucoup de mal à travailler sur mon mémoire cet été, disons que ça ne m’a pas aidé à aller au-delà de ce préjugé... et je me sentais coupable de prendre des vacances. Horreur : pendant 20 jours je ne pourrais pas me casser la tête sur les théories de la traduction du théâtre et je serais forcée de me baigner chaque jour dans la Méditerranée...

Peut-être que ce billet vous paraît d’une évidence monstrueuse... peut-être que j’ai l’air snob de me la péter d’avoir pris des vacances en Corse... mais vu l’état mental et physique «top shape» dans lequel je me trouve depuis que je suis revenue (et ça m’étonne moi-même d’être aussi bien dans ma peau, alors que tout était une corvée avant de partir), je me dis que c’est juste de vacances dont j’avais besoin, un vrai break, et j’en souhaite un à chacun de vous. La prochaine fois je serai moins philosophe, et je vous raconterai comment on s’est fait attaquer par un cochon sauvage Corse.

jeudi 4 septembre 2008

Corse 102: les relations hommes/«cochonnes»

Tout d’abord, il faut que vous ayez en tête l’accent corse : imaginez celui de Marseille sans toutes les petites fioritures (les Corses prononcent moins toutes les syllabes) et coller à cet accent les intonations de l’italien (n’allez toutefois jamais dire à un Corse que son accent ou sa langue ressemble à celle des Français (encore moins à celle des Marseillais) ou des Italiens) et ajoutez-y un petit fond nasillard. C’est un heureux mélange, plein de charme et d’exotisme. Maintenant que vous savez à peu près comment sonnent les Corses, il faut trouver l’attitude Corse juste qui se marie avec l’accent. Pour interpeller quelqu’un, signifier leur surprise, ou pour tout autre raison, les Corses ne disent pas «Eille», comme les Québécois, ou «Hé», ou «Ho», comme les Français : ils disent plutôt quelque chose qui ressemble à «a(w)ôôôôôh» (genre de «ho» très étiré qui ressemble à ce qu’on dit à un cheval pour qu’il s’arrête (ce n’est pas péjoratif, mais c’est tout de même comparable). Maintenant, les gars, faites-vous bronzer et adopter l’attitude la plus machiste que vous connaissez. Les filles, enfilez votre plus joli bikini, et fermez-là! Car ce qui fait entre autres le charme de la Corse (et que nous avons apprécié à maintes reprises en nous arrêtant dans les villages et en nous pâmant devant l’architecture qui n’a pas bougé depuis plusieurs siècles), c’est qu’elle a su préserver ses traditions.

Nous sommes assis tranquilles au bord d’une rivière que seuls les villageois du coin connaissent (nous la connaissons parce que notre ami Rafaël passe ses vacances en Corse depuis 3 étés). L’endroit est génial : nous sommes entourés de montagnes et nous nous faisons chauffer le derrière sur les pierres qui forment les contours d’une piscine naturelle d’environ 5 ou 6 mètres de profondeur (tout le monde a sauté de la falaise sauf moi qui a une peur bleue de mourir en faisant ça!) Nous profitions depuis quelques heures de notre coin de paradis lorsque les Corses sont débarqués. Les gars se sont toute suite jetés à l’eau, alors que les filles ont pris leur temps pour bien ranger leur vêtements et leurs tongs (équivalent de gougounes). Il faut dire qu’il fait 40 degrés et que l’eau de la rivière doit être à 16 ou 17°... méchant choc thermique. Les filles ont mis du temps à se saucer. Elles ont ensuite remonté un peu le courant pour aller s’asseoir dans les remous (super cool les remous). L’un des Corses (le plus énervé et le plus énervant) commence à gueuler «a(w)ôôôôh, Cochooonnes! Regarde-biengn!!!» Il interpellait les filles... j’avais le fou rire, mais en même temps je me disais que ça n’avait pas d’allure d’appeler les filles comme ça! Ce que je n’avais pas vu c’est qu’il tenait quelque chose dans les mains qu’il a balancé au bout de ses bras. C’était les tongs d’une des filles. Ça gueulait dans les remous, mais tout le monde riait aussi, au début... Le problème, c’est que les gars ont balancé comme ça les 4 paires de tongs, pas juste une fois... deux, trois, quatre, cinq fois. À chaque fois, les filles allaient les chercher et les ramenaient sur les pierres. Elles n’avaient pas le temps de retourner dans l’eau que les tongs était à nouveau dans la rivière. À un moment donné, le même Corse fatiguant a enfilé les vêtements des filles et s’est jeté à l’eau avec... on commençait à rire jaune. Les filles sont sorties de l’eau. L’une d’elle, la plus excédée, s’est allumé une cigarette, et plouf, un mec l’a poussée et elle est tombée à l’eau, toute habillée. L’atmosphère bon enfant est soudainement devenue très tendue au moment où le Corse fatiguant a mis une pierre dans une des tongs pour la faire couler au fond de l’eau... Une des filles lui a demandé gentiment d’arrêter de faire le con, mais lui répondait toujours «a(w)ôôôôh! Qu’est-ce-qu’il- y-a-cochoonne! Tu-me-casses-les-couilles-à-la-fingn!!!» (le gars était sérieux...) Il a pris une pince à cheveux qui trainait sur les rochers. «Non, tu-ne-balance-pas-ma-piince!» dit-elle, mais l’autre lui a répondu « a(w)ôôôôh! J’en-ai-riengn-à-foutre-de-ta-piince-à-deux-frangn-cinquante!» et hop, la pince a bu la tasse «Va-chercher-ta-piince, cochoonne!». Nous avons alors quitté les lieux qui nous semblaient tout à coup moins paradisiaques. En partant, j’avais envie de souhaiter «bon courage» aux filles, il me semblait que ça s’appliquait tout à fait à la situation, mais pour ne pas en rajouter j’ai lancé «bonne fin de journée!» en me disant que, si les relations hommes-femmes était comme ça en Corse, j’avais eu de la chance de ne pas être née «cochonne».

mercredi 3 septembre 2008

Corse 101

Par quoi commencer... Premièrement (et évidemment), la nature est magnifique. On appelle la Corse l’Ile de beauté. C’est le paradis ou l’El Dorado, on se croirait dans un décor de cinéma (on s’arrêtait au bord de la route pour regarder le paysage, et les montagnes, et la lumière, et la mer, c’était tellement beau, que ça n’avait pas l’air vrai!) Il fait chaud là-bas, (en 20 jours, il a plu 5 secondes), c’est très aride (le char était pas mal poussiéreux), ça sent bon (indescriptible, une genre d’odeur de fleurs séchées, et dans les montagnes ça sent le pin). Il y a des citrons et des figues qu’on peut manger à même les arbres. La première semaine j’ai eu les lèvres fendues par le vent, le soleil, la mer... et l’excès de charcuterie. Je me suis bourrée de saucisson (le lonzu, la figatelle... oh my god... j’en ai ramené et je les ai accroché au plafond dans ma cuisine!). On est allé se baigner à chaque jour dans une eau la plupart du temps turquoise (même dans les rivières!), on a fait les lézards sur les plages... Je suis bronzée, c’est incroyable (pour ceux qui se le demandent, j’ai fait du topless, mais pas assez pour avoir les boules brunes).

Vous souvenez-vous de la maudite toune de Petru Guelfucci «Coooooooorsiiiicaaaaaaaa»... J’avais à peu près 10 ou 11 ans quand c’est sorti il me semble... ma mère avait acheté la cassette. Le vidéoclip de la toune montrait à vol d’oiseau les montagnes de Corse. Ça m’avait marqué, je me souviens très bien qu’à ce moment-là je m’étais dit que peut-être j’irais un jour... à la même époque, dans les cours de géographie, (que j’ai très mal retenu : il y a un mois je pensais que la Corse appartenait à l’Italie... des choses qui arrivent...) je rêvais de la Corse, je savais parfaitement où c’était (Merci Petru). Je ne pensais plus vraiment à la Corse depuis quelques années, parce que c’est tellement loin de Montréal. Méchant voyage de partir du Québec pour aller en Corse (d’ailleurs, les Corses qui ont reconnu mon accent m’ont dit qu’ils ne voyaient pas beaucoup de Québécois passer par chez eux... J’en ai quand même rencontré 3 : un couple de retraités et un gars de Québec, qui avait perdu son accent depuis qu’il s’était établi en Corse, il y a 25 ans (wow)). Entoucas. J’ai eu la toune de Petru Guelfucci dans la tête pendant tout le voyage, (et je n’ai pas eu besoin de me souvenir des images du videoclip...), mais je l’ai entendu autrement : allez sur internet écouter les polyphonies Corses. Malade. Un soir, on était au camping dans la montagne (comme chaque soir... sans commentaire... (bon, c’était pas si pire, sauf sur la fin)) et on digérait nos figatelles en sirotant un bon verre de Casanis. Il y avait une fête dans le village en bas et on entendait les hommes qui chantaient. On a regardé les étoiles filantes. J’en ai vu 5. Ça chantait encore quand on s’est couché.

On est revenue depuis deux jours à Bonnelles : il pleut, il fait frette, et on s’endort au doux bruit des scooters.