mardi 31 mars 2009

Le Déluge: phase II de la destruction de mon habitat naturel

À chaque début d’année, je lis mon horoscope annuel. Je suis gémeaux, ascendant Lion. Je n’y crois pas plus que ça, mais comme je suis une procrastineuse de génie, je prends plaisir à vérifier les prédictions des astres. Cette année, apparemment, le Ciel va nous tomber sur la tête. Facile à dire. Les murs sont fissurés et il y a déjà quelques seaux dans le grenier qui pourrissent comme les impuissants récipients qu’ils sont. Lors des tempêtes, il pleut dans notre cuisine. Oui. Nous sommes proches de la nature, ici, à Bobo-sur-mer. Nous vivons comme de vrais chrétiens, selon les aléas de l’air et du temps. Il semble cependant que les Dieux cherchent à nous renvoyer à la modernité qui nous a donné vie. Ah ! La modernité ! Les rénovations ! Le changement ! Pas facile de se faire à l’idée quand on a l’impression, en sortant de chez soi, de vivre à la fin du XIXe siècle. N’empêche, vous pouvez sortir la fille de la modernité, la modernité, elle, ne sortira jamais de la fille. Moi, j’appelle un plombier quand il s’agit de parer au broch’-à- fouinage de mes amis les fermiers. Je ne fais pas qu’en parler, voyez-vous. Je joins l’utile à l’agréable : cela me permet de vivre pleinement ma salle de bain et, qui plus est, d’y mater un cul splendide, différent de celui de mon mari, une fois de temps en temps. Ça ne fait de mal à personne… mais «il ne faut pas toucher», dixit Chéri.

Après la débâcle des canalisations de la ville de Bonnelles, voici venue, dans toute sa générosité, la saison féconde de l’explosion spontanée des tuyaux de la salle de bain. Le gentil voisin du dessous est venu nous prévenir hier qu’il était en train de se noyer dans la vidange de la douche de Chéri. Sort ta chaloupe, quessé tu veux que je te dise… C’est pas de chance pour eux, moi je suis restée au sec, mais désagréablement surprise que rien n’ait été fait depuis la dernière fois… La moisissure, on voulait s’en occuper après mon mémoire, mais la fuite récurrente, je pensais que c’était réglé. «Il faut appeler le propriétaire pour qu'il appelle son plombier…» qu’il me dit, le voisin. Dans tes rêves, ouais.

En fait, c’est le thème, ici, à la ferme, la fuite… On parle beaucoup pour ne rien faire. On en parle tellement qu’on croit les problèmes résolus. Eh non. Il faut agir. Nous ne vivons pas dans une pièce de Tchekhov, malgré le décor. La résignation, ce ne sont que les suicidés-vivants qui la vivent pleinement. Nous on a dix petits doigts pour taponner sur internet et pitonner le numéro d’un plombier qui se pointe une heure plus tard. Le téléphone, tsé, les années 2000… Allo? Le monde moderne? Pouvez-vous venir me couler les deux pieds dans le béton ? C’est plus les vacances, le sable est mouvant.

Rien au monde ne m’énerve plus que l’incompétence. Et c’est une infection par les temps qui courent. Accrochez-vous, lecteurs, le déluge, c’est maintenant. Et il faudra se mouiller.

mardi 24 mars 2009

En revenir

Rien de nouveau sous le soleil : il y a plus de poils de chats dans la maison que jeudi dernier. Voilà. Le signe du temps qui file, coule, passe, roule, déboule. C’est rassurant. S’il y avait moins de poils qu’avant que je parte, cela signifierait qu’on recule. On serait le 14 mars peut-être, le jour de la dernière fois où j’ai passé l’aspirateur. Je préfère avancer dans le temps, même si ce faisant, on en perd beaucoup en chemin. Une chose est sûre, je dois passer l’aspirateur à nouveau.


«Vous avez 45 nouveaux messages dans votre boîte de réception». Si «réception» était au pluriel, ça ferait plus jet-set. J’aurais l’air occupée à mort, courant dans tous les sens pour organiser de grandioses réceptions, pour ma propre «Boîte de réceptions». En prenant tous mes messages, je m’en voudrais un tout petit peu d’avoir négligé ma business pour aller chiller quelques jours à Londres, mais j’appréhenderais la dure semaine de travail avec un sourire en coin. J’organiserais des réceptions avec passion. Délirons encore. Imaginez : «Vous avez 45 nouveaux massages dans votre boîte de réception». Un massage par jour pendant 45 jours. Exit le mal à l’épaule gauche. Autrement, la boîte de réception n’indique toujours pas de nouvelles. Bonnes nouvelles. Si on applique le dicton à la lettre, ça veut dire que je suis vraiment hot et que mon analyse est parfaitement parfaite. On va dire que c’est ça.


Actuellement, je ne m’en veux aucunement d’être aller à Londres. Ça fait du bien de prendre le métro sans se faire bousculer une fois de temps en temps et j’ai résolue l’énigme de l’épaule douloureuse. C’est un problème d’oreiller en fait. Je m’en suis rendue compte en comparant ceux du Holliday Inn de Regents Park et ceux de Bobo-sur-mer. Ce voyage, en fin de compte, a été très lucratif sur le plan du bien-être. Célébrons : aujourd’hui on étire les vacances en faisant du fudge.

jeudi 19 mars 2009

L'envie de

Le problème c’est qu’un jour sur deux ça ne me tente pas, ça ne me tente plus. Après c’est le cercle vicieux : ça me tente pas, je le fais pas, je suis de moins en moins dedans, c’est plus difficile, alors ça ne me tente pas. C’est poooooche! J’ai du mal à noyer ce poison.

J’ai envoyé une analyse (15 pages double interligne) il y a presque un mois et je reste sans nouvelle. Je trouve que c’est dur d’attendre, surtout après le chapitre poche que j’ai écrit. J’ai la chienne. J’arrête pas de penser que si je suis pas capable de le faire j’aurai engagé trois ans de mes énergies morales et financières pour du vent. Et surtout je me retrouverai devant rien. Rien de tangible disons. Ma vie est toujours au stade de projet. C’est ben fatiguant.

Bon. Sinon, ça me tente de faire tout sauf ça. J’aime mieux aller au musée, moi qui trouvais ces endroits ennuyants il y a trois mois. Je me dis, si je n’écris pas mon mémoire, j’obtiendrai au moins mon salut par la culture. On verra. J’écris aussi des trucs sans débuts ni fin, qui ne vont pas ensemble. Je ne sais pas si ça donnera quelque chose un jour. Je pense que c’est ce que je vais faire aujourd’hui. Je vais essayer de les mettre ensemble, on sait jamais. Au moins, quand je fais ça, je me dis que je ne fais pas rien. J’ai beaucoup pensé à l’écriture ces temps-ci. J’écrivais beaucoup avant. Ce n’était pas très bon. J’écrivais des poèmes. Il y en a un qui était pas pire, le dernier que j’ai écrit. Ça s’appelait Variations sagaces ou l’arrogance (!!!) Je l’avais présenté dans une expo avec Karine Dufour, photographe, et des photos qu’elle avait faites de ma face avec un masque en plume de perdrix. Maintenant, elles sont accrochées dans sa cuisine. C’était dans le temps qu’on était toutes les deux au chômage, il me semble.... Je crois qu’on avait choisi au hasard les mots dans le dictionnaire pour trouver le titre de l’expo. C’est le seul poème que j’ai conservé. Heureusement, mon dinosordinateur a planté il y a deux ans et j’ai tout perdu. Il doit me rester deux trois feuilles volantes dans une boîte chez ma mère… Des fois je me dis que les huit dernières années de ma vie ont été consacrée à faire taire l’envie d’écrire. Je sais pas. Des fois on fait des affaires dans la vie juste pour pas être obligé d’en faire d’autres…

Sinon, je cuisine énormément. Ce que je fais est très bon, je trouve. J’ai appris à faire des sauces maison. C’est vraiment facile. Je change les recettes souvent. J’ai fait un cake au pamplemousse et herbes de provence. J’ai mis un peu trop d’herbes de provence, mais c’était bon quand même. Si vous voulez la recette, je peux vous l’envoyer. Hier, j’ai fait une tarte aux patates et à l’oseille, il y en a déjà qui pousse dans mon jardin. C’était bon aussi. À l’origine, ça se fait avec des orties, mais je n’ai pas de gants pour les cueillir. Il y a en a plein dans le jardin aussi.

Je ne vais plus au yoga depuis deux semaines. Ça m’emmerde profondément. J’ai envie de bouger, pas de me concentrer et en plus j’ai une douleur à l’épaule gauche qui persiste depuis un bon mois. Alors non merci la position du triangle inversé, ça ne me fait pas du bien. Il y a des vieux vélos dans le hangar, je vais aller regarder s’il y en a pas un qui est retapable.

Je ne suis pas déprimée. Je suis juste étrange. J’ai très envie de voyager. Je vais à Londres demain.

mercredi 4 mars 2009

Maison des fous: l'aventure se poursuit

Avant de vous parler de rugby, sport merveilleux et excitant, et des expressions délectables de ses commentateurs, laissez-moi vous entretenir au sujet de l’infection de mon existence, celle qui n’existait pas il y a de cela un an et demi, qui me fait de plus en plus tourner en bourrique, sans compter qu’elle se propage présentement à toutes les sphères de mon passage sur terre.

Pour vous raconter ceci, je n’ai pas besoin d’ouvrir l’épais cahier Hilroy bleu royal, non, je me souviens de chaque détail : l’angoisse, l’horreur, l’incompréhension. Voilà. Lorsque j’ai commencé les démarches pour switcher ma vie du Québec à la France, j’ai fait une demande de visa de long séjour qui coûtait 350$ et allait m’empêcher de travailler pendant toute sa durée. Je devais ramasser une tonne de paperasse, aller voir des avocats, des agents d’assermentation, etc. Je n’avais aucune bonne raison d’aller en France (la raison «Chéri» n’est pas valable aux yeux des agents de l’immigration) et en plus je n’avais pas d’argent. J’ai pris rendez-vous au Consulat de France à Montréal. On m’a renvoyée chez moi en me disant : «pourquoi n’appliquez-vous pas pour un PVT (permis vacances-travail). Vous avez l’âge requis, c’est gratuit et vous pourrez travailler». Je suis donc retournée chez moi avec le dossier épais comme ça que j’avais préparé. Je n’en avais plus besoin. Il ne me manquait plus qu’à prendre un autre rendez-vous, présenter quelques papiers bancaires une assurance voyage et on me donnait le visa sur le champ. J’ai obtenu le PVT le 18 janvier – je partais le 27. J’étais un peu stressée… L’agent du Consulat de France a collé une vignette dans mon passeport sur laquelle il est écrit : «dispense temporaire de carte de séjour» pour la durée de ce visa. Yesss, pas besoin de faire la file à la préfecture. C’est vraiment bien fait… en plus, je peux rester jusqu’au 27 avril 2009 sans carte de séjour, puisqu’en tant que Canadienne, je peux passer en France 3 mois de plus sans visa. Yesss…

Entre temps, j’ai pu me marier, grâce entre autres au fait que j’avais un visa de long séjour et que j’étais en situation régulière. Au préalable, je m’étais informée pour obtenir ce qu’on appelle une «carte de séjour vie privée et familiale» qui me permettait d’obtenir l’équivalent de ce qu’on appelle au Québec «la résidence», et que je pouvais obtenir une fois mariée. La carte me permet d’avoir une vie normale : étudier, travailler, etc. (sans droit de vote et sans passeport français. Mais ça, on s’en fout. Ce n’est pas mon but.) Manque plus qu’à aller faire la file à la préfecture. Ce que j’ai fait ce matin. J’ai pris le char jusqu’à la très chic Versailles, me présenter une première fois, oui, pour prendre rendez-vous, ouvrir le dossier. La deuxième fois c’est pour obtenir la carte. Jusqu’ici, y’a pas de problème, c’est juste long et plate.

Je m’attendais à l’horreur, des gens qui gueulent partout, des émeutes, je m’attendais à passer la journée là. À la française quoi. Nenon, c’est cool. Des machines à cafés dans un coin, tout le monde attend tranquillement, je me dis : ça va être vite fait, yesss… Je donne ma paperasse (il en fallait quand même un peu…), on me donne un rendez-vous. Hourra! J’y crois pas, tsé… En effet.

J’attends une heure environ. Quand ça été mon tour, la madame regarde mon visa et dit : «C’est quoi ça? Dispense temporaire de carte de séjour?!?... » Elle attrape le téléphone et appelle un collègue… Je n’entends que quelques bribes de conversations… «Elle a fait un échange… C’est pas valide… elle ne pourra pas travailler pendant un moment… ce sera refusé…» Ceux qui me connaissent bien sauront qu’à ce moment-là j’avais les joues en feux. Je n’ai pas le bon visa. Il faut refaire une demande de visa de long séjour pour conjoint de français et ensuite on m’accorde la carte de séjour vie privée et familiale. Du moins, c’est ce que j’ai compris. La madame me donne rendez-vous : le 15 juin OK!!!! Là je n’ai pas le droit de travailler d’ici ce temps-là. Je n’ai plus de visa à partir du 27 avril, mais je serai quand même en situation régulière jusqu’au 15 juin (?!?). Ça a l’air que je suis exemptée de visa vu que je suis quand même entrée de façon régulière en France avec un visa long séjour et que je suis conjointe de Français (ce qui signifie que je devrai me promener en permanence avec mon acte de mariage sous le bras. Ça changera de la baguette.) Je n’y vois goutte. (Je me relis et je ne suis même pas sûre de comprendre vraiment ce qui se passe). Je suis comme dans un no man’s land entre le Québec et la France, pas tout à fait là-bas, ni vraiment ici. En flottement.

Le comble : mon permis de conduire expire le 10 juin, 5 jours avant mon rendez-vous, et j’ai besoin d’une carte de séjour pour pouvoir l’échanger contre un permis français.

Bienvenue dans mon monde.

lundi 2 mars 2009

Théâtreuse en déroute - II

J’ai beaucoup de compassion pour les personnages du théâtre de Tchekhov. Je trouve qu’ils font pitié. On dit souvent qu’ils sont «humains», «dotés d’une véritable psychologie», etc. Sans doute, oui, au théâtre… Sur la scène, ils sont plus vrais que nature (!) Ils sont peut-être malheureux, mais beaucoup plus vivants que moi qui suis là à les regarder vivre leur vie de personnages de théâtre. Je pense que c’est pour ça qu’on les trouve tellement humains : on se prend au jeu de la tranche de vie, c’est-à-dire qu’on suppose inconsciemment qu’il y a un avant et un après la pièce. Et ça, Tchekhov est maître dans l’art de nous y faire croire. Il nous mène en bateau, voyez-vous, je pense que ses pièces sont trop près de la réalité pour le théâtre. C’est du sur-théâtre. D’autres ont dit que son théâtre se rapprochait vraiment du genre romanesque… ça peut être une façon de le comprendre aussi : le roman, c’est vrai dans notre tête. Je parle d’une réalité imaginaire, qu’on mêle souvent avec la réalité réelle, une vie idéalisée, déformée au contact de l’interprétation qu’on en fait. Nos vies sont faites d’illusions et de désillusions, et sans l’imagination, la création (de solutions aux désillusions entre autres) je suis sûre qu’on mourrait tous instantanément. On se crée des raisons de vivre pour continuer à vivre et ne pas être malheureux. Les personnages de Tchekhov font tous ça : ils se font une raison. Ou ils meurent. C’est ça l’objet des pièces : pendant deux heures on voit plusieurs personnages qui se font une raison de leur existence. Et tous les êtres humains de la terre se font une raison, bonne ou mauvaise, on s’en fout.

Et je pense que c’est pour ça (entre autres) que le théâtre de Tchekhov est réputé difficile à monter, parce que ça ressemble tellement à ce qu’on peut vivre ontologiquement, qu’une fois mis en scène, on ne sait plus si on doit y croire, parce qu’en fin de compte, c’est du théâtre... Le contenu va à l’encontre du genre, le réel et l’imaginaire veulent prendre leur place au même endroit. C’est comme quand je donne des croquettes à mes deux chats : ils essayent de manger dans le même bol qui est beaucoup trop petit pour deux têtes de chats, et y arrivent difficilement. Finalement, ils se font une raison, et mangent chacun dans leur bol. Théâtre et réalité séparés, c’est beaucoup plus facile comme ça. Quand je vais voir et revoir les pièces de Tchekhov, j’ai, pendant de brefs moments, l’impression de toucher à quelque chose de la réalité, quelque chose de transcendant qui est là pour rester. Ça me rassure énormément. Je me sens chez moi, enfin. J’ai toujours envie de retourner chez nous, c’est pour ça que je retourne voir les pièces de Tchekhov. Ça n’a absolument rien de rationnel.

Je n’ai jamais eu l’impression d’être présente à la réalité. Je ne pense pas qu’il existe beaucoup d’humains qui le soient. Je suis soit occupée, soit préoccupée, je suis ici et là. Je suis toujours spectatrice de quelqu’un qui donne une interprétation du spectacle de sa vie, je suis figurante dans le théâtre des autres, vice-versa. Je lis des livres qui parlent des livres... Mais voilà, je suis obsédée par le théâtre de Tchekhov, c’est pas ma faute, c’est parce que j’arrive pas à m’en faire une raison, à savoir si c’est vrai ou si c’est faux, aucune approche n'est assez juste pour moi. (Quelle prétention!) Je ne fais pas la part des choses. «Tout est écrit», disait Tchekhov aux comédiens de la troupe de Stanislavski qui voulaient comprendre les personnages qu’ils interprétaient. Alors je continue à lire, à voir ce qu’en pensent les autres, et finalement, à ne pas trop chercher de solution… parce qu’après ça va être plate. (Quelle ironie!)

Bon. La prochaine fois je parlerai de rugby.