lundi 30 juin 2008

One night stand, ou mon ami Simon Poulin

Simon, je ne le connais pas et c’est mon seul ami Facebook que je n’ai jamais vu : le genre d’ami avec qui on croit qu’on n’a pas d’engagement, qu’on aime parce qu’on le voit quand ça nous tente, qu’on a le droit d’oublier, de jeter, de reprendre quand on veut... une relation platonique, un vrai de vrai ami imaginaire. (Pour mettre dans le contexte ceux qui n’y sont pas, c’est l’auteur de la BD (ou des tranches (trash) de vie?) Ton papa me fourre en ligne depuis mars 2008 (www.papamefourre.blogspot.com), donc à peu près depuis que je suis exilée, et que je n’ai souvent rien d’autre à faire que de fureter sur internet en quête de divertissement.) En parfaite groupie, quand j’ai vu hier soir le mot FIN dessiné en lettres grises sur le dernier post du blogue de mon ami Simon Poulin, j’ai eu un choc. J’étais attachée quoi! «Chéri! Ton Papa me fourre a fermé! Noooooon!» (Quelle drôle de phrase quand on n’a pas les éléments pour la comprendre...) J’avais pas fait le décompte des épisodes, ni celui des pages et je me suis retrouvée face à la terrible réalité du lecteur de blogue : la fin, qui n’en est jamais vraiment une (sauf si l’auteur du blogue meurt vraiment), petite mort frustrante pour une lectrice à qui l’auteur avait tant donné... sans engagement les amis imaginaires?... mouais.
Le blogue : ce genre de lecture rapide, qui parle de tout et de rien, et surtout qui, pour moi, n’est pas de la Littérature avec un grand L (ce qui, rassurez-vous, n’empêche pas que j’ai beaucoup respect pour plusieurs auteurs.) Trop disparate pour coller au genre, trop de photos, trop de dessins, trop d’intertextualité, trop d’inside et d’adresses au lecteur, trop de poésie bidon, trop de post qui ressemblent à des pubs, trop de vidéos, trop de fautes d’orthographe, trop de MOI –AUTEUR, trop d’excuses pour justifier et trouver un sens à son existence... et je n’ai pas la prétention de dire que j’évite ce genre de digression littéraire sur Suivi des coups de tête. J’adore les blogues exactement pour ce que je leur reproche. Bref, leur tâche est de piquer la curiosité. Celui de Simon Poulin était d’ailleurs une référence dans ce domaine et peu m’importe qu’il se soit servi de cette tribune pour exposer ses viscères au grand jour ou pour mettre à l’épreuve ses exercices de style. Il n’y a pas de règles à suivre sur les blogues, ou du moins pas vraiment d’institutions qui les gère, c’est le règne de l’auteur libre et du lecteur avide, critique et vorace. J’ai l’impression parfois que c’est le «j’en-ai-marre» de la littérature, une contre-révolution du genre. Paradoxalement, ça m’a redonné le goût d’écrire des histoires, justement parce qu’elles ont trouvé un ailleurs moins abstrait que les oubliettes de mon disque dur...
Simon Poulin redoutait de se faire reconnaître dans la rue, mais avait le chic pour faire saliver son lecteur et le faire réagir, tâche ardue sur la blogosphère, où tout un chacun semble chercher un peu de reconnaissance. J’étais accro (et j’étais pas toute seule!) aux histoires de Simon, aussi pathétiques soient-elles, mais aussi aux commentaires dont les propos étaient parfois aussi scabreux que le message, le meilleur et le pire au même endroit, une allégorie de l’humanité, ouais... Le personnage n’était pas tout ce qu’il y avait de sympathique : pornographie et autres déjections primales et machistes, ordinairement, j’en ai rien à faire... mais j’ai vraiment eu envie de le croiser dans la rue, de le connaître un peu plus (ce qui s’est avéré impossible étant donné ma situation géographique), la preuve certainement qu’il est autre chose que ce qu’il raconte, un auteur peut-être. Entoucas, il s’est auto-consacré comme tel et il a eu bien raison. Sauf mon respect pour l’aspect autobiographique : c’était bon ! Si on veut mettre une image sur mes mots (et ainsi rendre hommage à l’auteur), on pourrait dire que Simon m’a bien fourrée et que j’ai bien jouis. Malheureusement, je ne livrerai pas ici tous les détails de cette nuit chaude et endiablée. Ça, c’est le truc de Simon. Merci pour le one night stand.

mercredi 25 juin 2008

Rendez-vous de la Nation


On est arrivés hier vers 18h30, rue Pergolèse, dans le 16e, où se trouve la Délégation du Québec à Paris. Une partie de la rue avait été fermée pour l’occasion (imaginez le bout de la rue Marianne entre St-Denis et Rivard... c’était à peu près grand comme ça). C’était écrit «Québec» en gros sur une banderole accrochée entre les blocs appartements et il y avait plein de petits drapeaux qui ne flottaient pas au vent, parce qu’il n’y en avait pas. Des gros speakers nous renvoyaient les vieux hits de Marjo, de Gerry Boulet et d'Éric Lapointe. J’étais surexcitée de me trouver parmi autant de Québécois.


Tous les ingrédients pour une bonne St-Jean étaient réunis : il faisait 40° degrés à l’ombre, y’avait plein de Québécois habillés en bleu ou portant une cape-drapeau-du-Québec, la fanfare était pas super bonne (en fait c’était vraiment plate comme fanfare... déguisés à la mode Louis XV, on aurait dit qu’ils étaient pas contents d’être là), on a rien vu du show de l’école de cirque du Québec et on a seulement entendu Caïman Fu, le stage étant dans la cour intérieure de la Délégation, il faisait beaucoup trop chaud là-dedans pour pouvoir en profiter. On a vu deux ou trois fuckés de la St-Jean (dont deux Français fatigants du Couchsurfing Project, qui nous ont pris dans leur bras en nous disant qu’ils nous aimaient), Mélanie a renversé sa bière sur sa jupe, et durant la demi-heure où on a fait la queue pour une Maudite tiède et broutteuse à 4 euros, moi j'en ai reçu sur le bras (que j'ai léché ensuite). On a passé la majeure partie de la soirée évachés dans le gazon du parc d'à côté à boire notre bière et à discuter de choses et d’autres, passant allégrement de l’Holocaust aux régimes minceurs, de l’identité québécoise aux toilettes chimiques de la St-Jean à Québec. «Ça pue autant qu’à Montréal», ai-je entendu en allant à celles de la St-Jean de Paris... effectivement. On se sentait chez soi, quoi, en plus c'était plein de Français... sauf l'architecture, on se serait cru à une fête de quartier sur le Plateau Mont-Royal. Pour ajouter du glamour à la soirée, j’ai fait la connaissance du petit neveu de Gaston Miron (lequel a malheureusement la réputation de se câlisser de son aïeul poète) et des petits enfants de Fernand Ouellet (supers cools).


Pour finir, j’ai passé par dessus une mini clôture et j’ai réussi à déchirer mon pantalon neuf, et ce matin, j’ai mal à la tête (ce pourquoi j'ai la faiblesse intellectuelle de ne pas vous livrer mes réflexions sur les effets socio-culturels qu'une St-Jean-Baptiste parisienne ont sur ma condition d'expatriée)... quand je vous parle d’une vraie St-Jean.

mercredi 18 juin 2008

Jeux de pistes au Jardin du Luxembourg

Il y a eu une grève de RER lundi, ma belle-mère m’a appeler pour me le dire. Je passe tellement de temps dans ma cuisine à essayer d’écrire, que j'ai pris cette nouvelle très au sérieux. Plus de RER, quoi faire? Pourtant, c’est pas en France qu’on devrait s’inquiéter de ce genre de chose, si vous voyez ce que je veux dire. Moi, j’ai comme capoté. J’avais donné rendez-vous à une amie québécoise de passage à Paris le lendemain, et je lui ai tout de suite écrit un courriel pour lui dire que je ne pouvais pas bouger de la maison, impossible de me rendre en voiture à cause des 70 kilomètres de bouchons, il fallait remettre ça, j’allais tout manqué, maudits Français, merde, etc. ... bref, je me suis pété un beau cartoon à la drama queen... mais je m’en suis rendue compte seulement le lendemain matin, quand Chéri m’a dit de me calmer et de consulter le site de la RATP (l’équivalent de stm.info) avant de m'ouvrir les veines : 2 trains sur 3 allaient passer mardi sur la ligne B, pendant toute la journée. Vive la France.

Voyant que je m’échauffais l’esprit pour un événement aussi banal, je me suis dit : c’est bon, il faut sortir de la cuisine, là... La schizophrénie me guette à chaque instant. J’ai donc réécrit à mon amie, mais elle a dû prendre le message trop tard... J’ai même appelé d’autres amis pour savoir ce qu’ils faisaient, mais ils étaient occupés jusqu’au soir. Après une phase d’hésitation un peu folle (j’y vas-tu, j’y vas-tu pas?!?!) je suis partie comme une comète, en proie à une autre pulsion, me disant qu’il ne fallait surtout pas que je manque ma journée.

J’étais assise au Jardin du Luxembourg, en train de me dire que j’étais à Paris, que je n’avais rien à faire (ou pas envie de faire quelque chose, c'est Paris, on s'entend... j’avais amené les 3 livres d’Ubersfeld pour relire et relire encore une partie que je n’arrive pas à expliquer dans mon mémoire... on pourra pas dire que j’ai pas essayé de travailler...), et que je devrais me calmer les nerfs, quand tout à coup, un visage familier surgit d’entre tous les visages anonymes. Stéphane Vachon, en chair et en os, est passé à un mètre de ma chaise. Je me suis dit qu’il avait été envoyé en mission de filature par mes directrices pour me kidnapper et me séquestrer dans une pièce sombre et humide de la BNF, réservée aux travaux forcés pour mauvaises étudiantes, et que j’allais y rester jusqu’à ce que le bout de mes doigts saignent d’avoir trop écrit mon mémoire. Heureusement, j’avais mes lunettes fumées de star et je portais des vêtements neufs de la semaine dernière. Je me suis recroquevillée sur ma chaise et je suis passé inaperçue. J’ai évité de justesse une sévère correction. Pour me venger, j’ai joué son propre jeu et j’ai fait une paparazzi de moi-même.





Je pense envoyer ces photos au responsable des études supérieures du Département pour justifier ma demande de prolongation : comment voulez-vous que je travaille avec une pression pareille?!?
...en fait je me demande si c’est vraiment Stéphane Vachon que j’ai vu, ou si ce n’est qu’un mirage. Il avait l’air plus vieux que d’habitude. Depuis combien de temps suis-je partie déjà? Bref, cette apparition, quelle qu’elle soit, a porté ses fruits : je suis allée me cacher dans un coin pour relire Ubersfeld.

lundi 16 juin 2008

Optimisme, quand tu nous tiens

C’est plate, enfin, c’est redevenu plate... ça me prend pas grand chose ces temps-ci pour trouver que je fais pitié. Quelle horreur, je m’apitoie sur moi-même. Je me dis que ça va passer, j’essaie de bouger, de me secouer et de secouer Chéri. Je ne peux pas lui en vouloir, il travaille pour nous deux et je l'aime plein. Vendredi on est allé à Paris pour magasiner nos alliances, je l’ai traîné comme une loque. Il était fatigué et n’avait pas envie, et comme je ne me fais jamais chier très longtemps dans la vie en général, on a eu vite fait de rentrer : 8 euros dans le caniveau, ça valait pas la peine de s’être déplacé. On s’est arrêté pour boire un Coke terrasse (3,40 euros le coke!!!) : ça faisait longtemps et j’aime le Coke sur une terrasse. J’ai quand même pris le temps d’acheter des petits bouquins style restos pas chers à Paris pour joindre l’utile à l’agréable ainsi que les deux bouts...

C’est tellement plate que j’ai travaillé sur mon mémoire samedi. Je ne pensais jamais faire ça un jour, mais puisque je suis en retard... C’est de même. Je suis allée reconduire Chéri à la Fête du Rugby à Gif, il s’est bien amusé. Moi j’avais l’air bête et pas envie de parler à personne. Il y avait un cirque de passage à Bonnelles et je suis allée voir les animaux en cage en revenant. Pov ptits. Une dizaine de tigres du Bengale tournaient en rond dans leur cage, un vieil éléphant bouffait de l’herbe, un vieux chameau faisait le tour du piquet qui le retenait au sol par une chaîne... Pathétique. J’ai pris des photos, en me disant que ce serait peut-être plus beau sur la pellicule, jusqu’à ce que je vois un écriteau qui disait qu’on pouvait se faire poursuivre si on filmait ou photographiait les animaux du cirque. J’ai caché mon kodak. Plus tard, je suis allée chercher Chéri et un de ses amis m'a dit que des brasseurs (de la bière!!!) s’installaient à Bonnelles cet été, dans le local d’un ancien resto. J’ai hâte de boire ça, en souhaitant que c’est pas des colons ou une couverture, que ça va rester ouvert et que le vieux vicieux ne se tiendra pas là.

Décidément, la fin de semaine s’est déroulée sous le signe du rugby, nous sommes allés voir le match de quart de finale de l’équipe du Roc-Giffois dimanche. C’était bien, il pleuvait à torrent. Pour une fois que la pluie nous offre sa part de divertissement. En revenant, on a regardé un autre match de rugby à la télé qui opposait l’équipe de La Rochelle à celle du Métro-Racing (Paris), l’équipe pour laquelle Chéri jouait quand il avait 15 ans. 23-17 pour le Racing, méchant bon match.
...

Je me dis qu’il faudrait peut-être que je me trouve une job, ça réglerait une partie de mes problèmes, sauf que je ne serai pas plus avancée si je ne peux plus écrire mon mémoire dans le jour, qu’en plus on a déjà nos billets de bateau pour la Corse (deux semaines au mois d’août, ça s’explique mal à ton employeur quand il t’engage pour l’été...) et si en plus il faut que j’organise notre mariage... (qui, en passant, a pris des proportions gigantesques... j’ai comme un peu perdu le contrôle sur la situation, au départ, c’était supposé d’être simple...). Je me sens comme pognée dans tous les sens. Mon optimisme m’a joué des tours en me suggérant que j’allais avoir fini mon mémoire pour le mois d’août. Je suis comme TROP optimiste, est-ce que ça se peut? Si je pouvais vendre de l’optimisme, je serais riche.
Bon, je vais écrire mon mémoire, au moins de ce côté-là ça bouge un peu...

lundi 9 juin 2008

Week-end tchekhovien

« Je comprends ce que vous ressentez, chère actriçounette, je comprends très bien, mais tout de même, à votre place, je ne serais aussi désespérément bouleversé. Le rôle d'Éléna et la pièce elle-même ne valent pas qu'on se gâte à ce point le sang et les nerfs...»

Samedi soir, avec Sam, Mel, Vince et Chéri, nous avons fait fi de la température maussade et confronté en duel les nuages gris qui flottent en permanence dans le ciel de l’Ile-de-France (quoique ce matin il fait beau, mais je reste sceptique...) : nous avons fait un barbecue, dewhors, sous la protection bienveillante des tuiles d’un pavillon de ferme d’une autre époque. J’ai mangé un hamburger et un hot-dog-baguette. On avait acheté de la moutarde jaune, celle qui goûte le vinaigre. C’était délicieux, même si le festin manquait cruellement de relish et de piments bananes. On a aussi troqué la bière pour le vin, contexte socio-culturel oblige, mais on a oublié de sortir le fromage. Les drôles de voisins sont venus nous rejoindre en plein milieu de la nuit pour un dernier coup de gnôle et une bouchée de gâteau. Puis nous sommes rentrés, en titubant un peu, dans le but improbable de dormir. Finalement, j’ai eu droit à une étonnante chanson jazzé-improvisée par Sam et Vince sur le thème de «la poubelle de Rachel», celle que je venais de casser en deux sous l’effet de la boisson... ce genre de moment d’ivresse unique dont on se souvient longtemps et souvent, que le temps va finir par idéaliser et déformer, mais qu’on aime toujours se rappeler en se disant que cette nuit-là, on s’est retrouvé par hasard en pleine face avec le bonheur.
Mes invités ont été séduits par le cadre pittoresque de l’écosystème dans lequel j’évolue depuis quatre mois : un grand potager dont plus de la moitié est inutilisé et où poussent en vrac ronces et coquelicots, une jument et sa pouliche en pension depuis une semaine dans l’enclos près de l’étang, la complainte klaxonante de sa mère l’Oie, les hirondelles et autres chauves-souris, et bien sûr la voûte céleste. Des étoiles : vision rare dans ce monde qui nous pousse toujours à aller de l’avant et à garder les pieds sur terre... quand on sait qu’un écran cathodique dégage autant de lumens qu’un feu de camp, pourquoi diable se tordre le cou pour regarder en l’air, n’est-ce pas? «Quelle chance d’être ici!»... effectivement. Y’a que moi qui figure à temps partiel dans ce tableau rustique pour cause de mésadaptation. Je ne sais même plus si c’est Montréal ou simplement la Ville qui me manque, mais l’attitude anxieuse qui prend régulièrement le dessus sur mes sentiments m’obsède. Ici, aucun miroir pour me renvoyer mon image, sauf les yeux de mes amis, et il n'y en pas beaucoup... Qui a-t-il de plus rassurant que de se sentir exister chez soi dans le regard des autres? Je me manque à moi-même, étrange. Je me sens vivre entourées d'amis, sinon je ne suis qu’un spectre (ça fera ça de plus à ajouter aux attraits de la ferme!) : c’est ce que je me disais hier en fin d’après-midi, seule au volant de ma Renault-laguna-vert-émeraude, en revenant de la gare de Bures, où je venais de déposer les amis.

Visite impromptue du frère de chéri en soirée : il s’est effondré en larmes dans la salle à manger en disant « j’suis fAtigué, j’suis fAtigué, j’suis fAtigué, j’suis fAtigué...» Chicane de ménage. Il était soul comme une botte (...il a quand même pris son char, mais on l’excusera : la seule victime, c’était lui...) et déblatérait un discours sans queue ni tête, l’image parfaite du ras-le-bol existentiel. Sa douleur a eu un effet cathartique sur ma mélancolie. La vie est ainsi faite : j’ai eu l’impression que tous les visiteurs du week-end étaient venu chez moi exprès pour me rappeler que j’étais heureuse, ici, avec Chéri, sur la ferme. Changement d’attitude en perspective...

«...La pièce date d'il y a longtemps, elle a déjà vieilli, elle est pleine de défauts de toutes sortes; si plus de la moitié des acteurs ne sont pas arrivés à trouver le ton juste, c'est la pièce, bien sûr, qui en est responsable. Ça - premièrement. Ensuite il faut laisser une fois pour toutes ce souci du succès et de l'échec. Que ça ne vous concerne pas! Votre affaire est de travailler, obscurément, de jour en jour, sans trop de bruit, d'être prête à faire des fautes, qui sont inévitables, de subir des échecs, bref, à s'obstiner dans votre ligne d'actrice, et, les rappels, laissez les autres les compter. Écrire ou jouer et savoir en même temps qu'on ne fait pas ce qu'il faut - c'est tellement normal, et, pour les débutants, tellement utile!...»
Lettre d'Anton Tchekhov à Olga Knipper, Yalta, 1er novembre 1889.

jeudi 5 juin 2008

Girls power

Quelle journée, j’ai été super occupée. Je me suis levée tôt, je me suis assise devant mon ordi pour travailler, j’ai écrit 2 paragraphes de 15 lignes en deux heures (ce qui est un record), pertinents (ce qui est très rare), j’ai reçu un colis et jaser avec le facteur et sa stagiaire qui va le remplacer pendant ses vacances (oui, je pense que ça prend un stage pour savoir où tout le monde habite et où livrer les colis, parce que par exemple, pour rentrer chez nous, si t’es pas au courant, tu peux chercher longtemps...), j’ai déballé mon colis. C’est des anti-dépresseurs pour chats... Je le sais, c’est bizarre. Scapin, mon petit chat, a des problèmes de comportement : il arrête pas de se lécher et de se gratter tellement qu’il a plus de poils sur le bas-ventre et à la base de la queue et qu’il n’en a presque plus dans le cou. Il fait dur, mais je l’aime quand même. Je l’ai attrapé pour lui donner sa pilule... ça aime pas trop ça les chats, avaler quelque chose tout rond... pis ça a pas trop de salive non plus un chat. Entoucas. Ensuite, vraie journée de fou, j’ai pas vu l’heure passer et j’ai du courir jusqu’à mon cours de yoga (j’ai pas vu le vieux cochon, oh yeah!). Là-bas, mon tapis de yoga a fait fureur (ils se sont dégênés ou bedon se sont ouvert les yeux puisque j’apporte toujours mon tapis...) : c’est parce qu’il est anti-dérapant. Pas mal, non? Ici, ça n’existe pas ça a l’air. Jean-Pierre a dit qu’il avait été à un stage de yoga aux États et que tout le monde avait ça, donc toutes les vieilles bonnes femmes me demandaient si je l’avais acheté aux États. Sacré Jean-Pierre! Tu m’étonneras toujours! On a parlé de mon tapis un bon 15 minutes, c’est quand même fascinant. En revenant, j’ai appelé Nadia, au Québec. On a parlé UNE HEURE ET DEMIE! C’était bon. Ensuite le voisin est venu me chercher parce que Chéri était, à l'autre bout du fil, pogné à Limours (manqué l’bus) et que moi j’étais au téléphone, donc il n’arrivait pas à me rejoindre. J’ai sauté dans mon char et j’ai roulé comme une star jusqu’à Limours-en-Hurepoix (sordide comme nom de ville hein? Prononcez toutes les consonnes, c’est encore pire.) Mais le meilleur est à venir. J’avais ma première date de filles ici depuis 4 mois ce soir. Un soin du visage. Je vais faire une croix sur le calendrier, ou mieux encore, un crucifix : merci Jésus, qui que tu sois. On était juste 3, mais on était que des filles, de mon âge en plus. Une bonne draft d’oestrogène, ça faisait longtemps.

Équipe féminine, tu me manques.

mardi 3 juin 2008

Y a-t-il un psychanalyste dans la salle?

Cette nuit, j’ai fait mon premier rêve de Française. Je suis dans le métro de Paris, c’est le soir et il y a plein de monde, comme en vrai. En regardant les stations défiler, je me rends compte que je me suis trompée de direction, donc je descends du train, mais pour prendre la direction opposée, je dois encore payer mon entrée, ce que je fait. Les tickets qu’on me donne au guichet ressemblent à des porte-clés et (évidemment...) je suis incapable de les mettre dans la fente pour pouvoir passer le tourniquet. Après c’est flou; je ne m’en souviens plus ben ben... J’imagine que j’ai rêvé à ça parce que ces temps-ci je me demande si c’était une bonne idée finalement de rédiger mon mémoire en France : j’ai toute la documentation dont j’ai besoin, mais je suis incapable d’écrire quelque chose d’ordonné et de sensé. Depuis une semaine, je ne fait que réécrire ce que j’avais déjà écrit... impasse, je tourne en rond, patapon.

Avant quand j’étais tannée d’écrire, j’allais faire un tour dans Bonnelles, poster une lettre (ce qui est une activité en soi ici, puisque Madame La Poste est vraiment mêlée), ou marcher dans les bois. Maintenant, c’est différent. Je pensais que je m’étais fait un ami à Bonnelles. C’est un vieux monsieur, plus petit que moi. Au début je l’entendais juste parler dans la rue quand mes fenêtres étaient ouvertes. Sa voix est reconnaissable entre toutes, et pour cause, on dirait qu’il a une trachéotomie. Mais non. Il porte toujours un bleu de chine et un béret, marche avec une canne et se rase d’une façon telle que sa barbe ressemble à une coupe à blanc, tout comme le poil de son chien, qui lui a l’air de sortir tout droit d’une ruelle de Marrakech. Je l’avais déjà remarqué en ouvrant mes volets le matin, puisque j’habite en face du Tabac, et qu’il s’y arrête tous les jours vers 8h. Il promène un petit caddie avec 2 ou 3 cannes à pêche dedans. Je ne sais pas quels genres de poissons on peut pêcher au Tabac de Bonnelles, mais si on se fit aux rumeurs, ce doit être une sorte de barbotte qui macère des jours et des jours dans l’alcool, parce que jeudi dernier, mon petit monsieur était pas mal entreprenant.

Chaque fois que je sors, il est là. On dirait qu’il m’attend. Quand il me voit, il s’arrête de marcher et me regarde, hagard, le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Alors, j’ai commencé à lui dire «Boooonjoooouur!», comme font tous les Bonnellois et Bonnelloises. Et il me répond toujours de sa voix d’outre-tombe, me parle de la température et d’autres choses que je n’arrive pas à saisir. Jeudi dernier, je sors pour aller à mon cours de yoga. Une grosse minute de marche quand je prends mon temps. Il était encore là, de l’autre côté de la rue, mais cette fois-ci il ne s’est pas arrêté de marcher. Il s’est plutôt mis à courir à ma rencontre (avec sa canne, quel badineur!), a traversé la rue (là, j’ai commencé à avoir peur), m’a dit «Bonjour»(mais ça ressemblait plus à «Vaonfvfjur») puis m’a attrapé par le cou pour que je penche de façon à ce qu’il puisse poser deux gros becs gluants de robine sur ma tendre joue. Il m'a demandé si j'allais au cours de gymnastique, tout en mimant les mouvements. C'était pitoyable. Maintenant ce n’est plus mon ami.

Hier, je vais chercher une baguette chez le boulanger, il était encore là, dans la rue. J’ai couru jusque chez le boulanger. Il est toujours là, (vieux cochon) !!! Il faut que j’aille à la Poste tantôt et j’ai pas envie. Sois je suis schizophrène, sois je suis en train de développer une phobie-du-vieux-bonhomme-de-Bonnelles.