mercredi 25 février 2009

Théâtreuse en déroute - I

J’ai relevé le défi des six semaines. (En fait, cinq, parce que la première j’ai rien fait.) Je ne faisais pas un régime, là, j’ai juste écrit une partie de mon mémoire.

Mais je ne sais pas trop quoi penser de ce que j’ai écrit encore... 17 pages de jus de cerveau et d’excès de nicotine, n’ayons pas peur des maux... J’espère que c’est (un peu) bon. Je vais me poser de sérieuses questions si j’ai encore échoué à la tâche, disons que ça sera peut-être le signe qu’il faut passer à un autre appel. Je ne me suis pas imposé d’ultimatum, dans le style : si mon analyse est pas bonne, fuck off. J’ai suivi une mauvaise piste d’analyse pendant longtemps, c’est-à-dire un an presque jour pour jour, et quand je m’en suis rendu compte, je me suis demandé si j’étais faite pour les études supérieures en littérature. Sauf que depuis 10 ans j’ai rien fait d’autre que du théâtre, de la littérature et de l’université... à part peut-être boire de la bière au Cheval et chiller. Je jouais du piano et de la guitare, je faisais partie d’une chorale, j’écrivais même des chansons, j’ai mis tout ça de côté et je me suis jetée à tête perdue dans l’analyse dramaturgique sans me poser de questions. Aucune question, ça s’est fait tout seul. Je me foutais bien de savoir ce que j’allais pouvoir foutre dans la vie. Je faisais «ça», c’était bien assez. L’important c’était de faire ce que j’aimais et ce pour quoi je croyais avoir du talent et de l’envergure. J’ai choisi autrement dit la voie de la réussite. J’avais en tête l’assurance d’exceller dans mon domaine (!), ce que j’ai fait jusqu’à ce que j’entre à la maîtrise. Méchant bordel. Bonjour LA remise en question.

Avant d’écrire un blogue, j’écrivais à l’encre noire dans un épais cahier Hilroy bleu royal. J’ai reparcouru le passé à la recherche du moment où je m’étais trompée (Détrompez-vous, ceci n’est pas un épisode de Heroes, je n’ai pas de pouvoirs) et de réponses à mes questions existentielles. Je suis tombée sur le moment où j’ai pris la décision de crisser mon camp (c’est l’expression juste, donc sans guillemets) en France. J’étais écoeurée de Tout et j’ai choisi de changer le Tout de façon radicale. En choisissant l’inconnu, je choisissais le meilleur, encore une fois, à mes yeux. Je ne me suis posé aucune question. J’ai agi.

C’est fou «agir» comme ça. Quand tout va pour le mieux, c’est pas pire. Sinon, c’est l’Apocalypse.

J’ai étudié avec Marilou quelques jours quand je suis allée à Montréal. On jasait et puis on parlait de la maîtrise. Elle me racontait que Pierre Nepveu trouve regrettable que plusieurs étudiants choisissent plus souvent un sujet en fonction de sa cérébralité que de sa viscéralité, tsé, un sujet qui viendrait du coeur. Puisque je baignais à ce moment-là dans la soupe totalitaire de la remise en question et que je cherchais toujours davantage à m’encombrer dans les différentes perspectives d’une hypothétique solution, je me suis demandé si mon sujet à moi venait de mon coeur.
Les personnages d’Oncle Vania sont formidables, très colorés (par la vodka entre autres...), mais ils regrettent tous de ne pas avoir agi au moment opportun, de ne pas avoir eu le courage peut-être de choisir leur vie. Ils sont résignés, attendent de mourir. Dans la Mouette, au début ils sont remplis de projets ou ont déjà accompli de grandes choses, puis chacun leur tour, ils plongent dans une désillusion dévastatrice. Je déteste les Trois soeurs, parce que j’ai peur des incendies entre autres, mais aussi parce que j’ai juste envie de les secouer pour les sortir de leur torpeur. Et la Cerisaie... C’est tout simplement incroyable que la maison qu’on réussit à garder pour soi dans Oncle Vania finisse par être vendue dans la Cerisaie. C’est la même maison... la maison de la résignation... mouhahahahaha!... Tchekhov, sacré coquin!
À suivre...