Le show commence, Thomas Fersen arrive sur scène, fidèle à lui-même et à son style déjanté, vêtu d’une robe, d’un veston noir et d’un haut de forme à plume de coq ; fait une dizaine de chansons. C’est un peu trop relax à mon goût pour le moment, mais j’ai confiance que ça ne saurait durer : Fersen, c’est la version animée de Jack in the box. Soudain, un grand noir sur la scène, le noir comme je l’aime dans les salles de spectacle, le dimmer énergisant de la musique live, le gingembre mariné entre deux bouchées de poisson cru, le noir qui nous laisse nous rendre compte combien on apprécie, qui nous permet parfois de filer en douce, mais qui la plupart du temps, nous prépare mentalement à en prendre plein la gueule. Subitement, gros spot sur mon Fred qui a troqué sa basse pour une guit’, Fersen a disparu. Les accords me disent quelque chose, puis «Ma vie est une simple histoire, je suis tel sont mes parents. Ma mère vendait des bouteilles et mon père buvait tout le temps...»
Le coeur m’a arrêté.
C’est dur d’expliquer l’effet que ça m’a fait : un mélange d’égarement, de mélancolie, de fierté, de merci-la-vie, et de crisse-que-ça-fitte-pas-mais-c’est-bon-pareil. C’était la première fois que j’entendais cette chanson-là en spectacle sans que personne du public ne la chante (sauf moi). Bizarre. Ça doit faire encore plus bizarre à Fred de chanter une toune qui a plus de 10 ans devant un public étranger à sa musique. Mais ils ont tendu l’oreille, les Français, et ont applaudi chaleureusement son talent. Je me suis dit que la formule allait être plus que gagnante lors de la tournée au Québec. N’empêche, malgré moi, je me suis senti comme une imposteure tout le reste du show. Mon amour pour le produit québécois est exponentiel depuis que je suis ici. Voir Fersen et Fortin sur la même scène, c’était comme être amoureuse de deux personnes à la fois et ne vouloir être infidèle ni à l’un, ni à l’autre. Un dilemme à la hauteur d’un exil que j’aimerai si fort, que je l’étranglerai.