dimanche 5 octobre 2008

Quelque chose de vrai

Je fais rarement quelque chose de grandiose le dimanche. Ce matin, je me suis levée, il faisait pas beau, mais ça me dérangeait pas. Les chats m’ont suivie dans la cuisine (en fait ils attendent que je me réveille pour que je leur ouvre la porte, il n’en ont rien à faire de moi !) Je me suis fait un expresso sur le feu. J’ai fait de la pâte à crêpe. J’ai fait des crêpes en lisant La peau des doigts de Katia Belkhodja. (Y’a un des personnages qui fait des crêpes dans son livre, mais ça n’a rien à voir avec moi, en fait, le fait de faire des crêpes m’a fait penser que je pourrais lire en même temps, et que ce serait cool de lire debout, devant mon four, entre deux flips de crêpe.) C’est la vraie vie pour moi : boire un café et faire des crêpes en lisant au bord de la fenêtre par un dimanche matin d’automne, en pantoufle et robe de chambre. Quel bonheur. J’avais commandé le livre de Katia à la librairie du Québec le jour où j’ai vu Stéphane Vachon au Jardin du Luxembourg, c’est-à-dire le 18 juin dernier. Je suis allée le chercher mardi passé... presque 4 mois d’attente... mais ça valait la peine.

Je ne lis plus vraiment d’histoires depuis que je fais ma maîtrise. Comme si j’en avais pas assez à lire comme ça... Si je lis un roman, il faut que ce soit bon (très bon) et relativement rapide. Je suis de plus en plus difficile dans mes lectures, comme si je manquais de temps pour tout lire... je ne veux pas le gaspiller en lisant quelque chose que je n’aime pas. Et, ces temps-ci, je suis incapable de me plonger dans une histoire complexe, dans le sens TROP complexe. J’ai envie de lire et de comprendre tout de suite, pas d’ouvrir le dictionnaire aux deux mots ou de chercher une référence mythologique quelconque sur Wikipedia pour comprendre le troisième niveau de lecture caché dans le deuxième... je me casse assez la tête comme ça pour mon mémoire, pas besoin d’en rajouter quand je prends du temps pour lire. Et «comprendre tout de suite», ça veut pas nécessairement dire que l’écriture ou l’histoire est simple... ça veut juste dire que les mots nous parlent, sentimentalement, ils sont signifiants une fois assemblés, qu’à l’intérieur de nous, on a toutes les clés pour comprendre, ou que le livre nous donne les moyens de les fabriquer, en lisant. Si je comprends tout de suite, ça veut dire pour moi que je lis quelque chose de véritablement humain. C’est peut-être pour ça aussi que j’aime lire les blogues et les recettes de cuisine : les regards personnels sur le monde et l’art culinaire sont fondamentalement humain. J’aime la littérature qui vient du coeur, pour moi, ce qui est viscéral est vrai, même le mensonge.


Une fois, quand j’étais célibataire, je suis tombée en amour avec un gars qui avait déjà une blonde... bon, j’en ai pas fait une maladie, lui non plus, il ne m’aimait pas d’amour et je n’ai rien tenté, respectueusement. Je l’appréciais beaucoup et je lui démontrais une sorte d’affection amicale, celle qu’on entretient avec les gens qu’on aime, sans les connaître vraiment. On a jasé une couple de fois d’art, de littérature et de la vie en général. C’était fort sympathique, et quand on parlait, j’avais toujours le sentiment qu’il voyait clair en moi. Y’a des gens comme ça, on a l’impression de les rencontrer juste pour qu’ils puissent nous dire la vérité à notre sujet. Il s’est passé une chose entre nous : on s’est échangé chacun un livre. Je lui avais donné, pour Noël ou pour sa fête, je ne m’en souviens plus, La Découverte du Ciel de Harry Mulisch, un espèce de livre monstrueux de 1500 pages et plus, sorte de saga familiale à saveur biblique et qui, me semble-t-il, donnait quelques explications au mystère humain. C’était le livre que je préférais d’entre tous à ce moment-là dans ma vie. «C’est bon», qu’il m’avait dit après l’avoir lu, «mais ça manque de vérité, d’émotions...ça manque d’humanité». Ah bon?!? Il m’avait tendu en retour le livre de William Boyd, À livre ouvert, une autobiographie fictive, en me disant «Ça, c’est vrai»... Il venait de m’offrir un des meilleurs livres que j’ai lu de ma vie... Je pense qu’à partir de ce jour-là, je n’ai plus jamais lu de la même façon.

La peau des doigts, ça m’a rappelé cet échange de livre incongru. Je sais pas pourquoi... sûrement parce qu’il y a des livres qu’on lit comme ça, juste au bon moment dans notre vie, et que celui de Katia goûte, un peu comme celui de William Boyd, quelque chose de vrai.

4 commentaires:

Lacaravane a dit…

Salutations Rachel,
Je viens de découvrir ton blogue et j'ai eu envie de t'écrire ce petit message puisque... ma vie est exactement à l'envers de la tienne! Z-en-effet: je vis à Barcelone depuis 7 ans et je suis sur mon départ: retour au Québec prévu dans moins d'un mois!! Et puis à part de celaaaa, je compte commencer une maîtrise en littérature comparée à l'hiver... c'est drôle, on est aux pôles opposés! Ah! Et puis je me suis aussi mariée il y a trois ans avec mon bel espagnol de chum. Je te souhaite une noce toute mignonne dans ta campagne française. Amitiés, Laurence.

Rachel a dit…

wouhou!!! 7 ans! je sais pas si je tiendrai jusque là ;)
Je te souhaite un bon retour au pays avec ton chum, vous mangerez une poutine à ma santé!!!
et merci pour le petit mot!

Anonyme a dit…

" Y’a des gens comme ça, on a l’impression de les rencontrer juste pour qu’ils puissent nous dire la vérité à notre sujet. "

Tellement. Et c'est drôle, ça semble t'avoir fait ça aussi, on dirait que c'est toujours quand y a quelque chose d'impossible, de contre nature, d'incohérent dans la relation que t'as avec cette personne là, de sorte que c'est rarement quelqu'un avec qui tu vas avoir une relation longue et poussée, comme si quelque chose s'épuisait dans la force et la vérité des débuts au détriment de la, comment dire... fixité (??!) - lundi matin, pas facile... - de la rencontre...
Cela dit, j'espère que tu avances bien dans tes préparatifs... cette nuit, Rachel, j'ai rêvé que j'adoptais un de tes chats. Il était gris et m'aimait pas beaucoup au début... Tu y vois un signe ou quelque chose ? :P Prend soin de toi, c'est toujours un plaisir de te lire !

Rachel a dit…

C'est cool comme rêve! Mais je n'y vois aucun signe :P
Salut Jiboué! xxx