lundi 18 février 2008

«tranche de vie, tranche de steak»

Ai survécu à trois semaines dans la campagne Française. Ai désormais la ferme conviction d’être Américaine (version québécoise toujours... laissons de côté le débat concernant l’américanité des Québécois : on le sait, quand on y est, qu’on est loin d’être Européens.) Je sais maintenant que j’aime le bourdonnement de la ville, la pollution, les loosers de la Promenade Ontario autant que les pimpés de la rue Crescent, le cave qui se parke devant chez nous et qui laisse tourner son disque des Colocs dans le tapis pendant qu’il va chercher sa poudre chez le pusher d’en face, me réveiller à trois heures du matin parce qu’il y a 6 chars de police dans la ruelle et entendre l’autre gueuler parce qu’on lui passe les menottes. J’avoue que je déteste sournoisement mes conditions d’isolation. J’ai perdu le contrôle si précieux que j’avais sur mes déplacements et mon emploi du temps : je dépends des autres pour vivre et en plus je n’ai pas le choix pour le moment. L’indépendance, ça s’appelle aussi la liberté, non... Ça fait déjà beaucoup, perdre sa liberté d’un seul coup. En résulte quotidiennement un lot de diverses frustrations qui me poussent à m’enfermer dans ma chambre pour ne pas faire subir aux autres les vestiges d’une attitude colérique dont je croyais m’être affranchie. Je me sens comme un steak qu’on aurait prélevé d’un boeuf Qualité Québec, pogné dans son emballage mi-stirofoam, mi-saranwrap. J’ai l’air vivant, mais c’est de la frime. Mais, (Oh merci, optimisme à tout épreuve qui surgit toujours dans les pires impasses de mon existence) comme dirait l’autre, tout problème a sa solution : nous aurons (peut-être) une voiture, et j’apprendrai à conduire manuel (oh my god...) Char = liberté (+ assurances, diesel (beurk!), stress, accident, crevaison, perdue-tu-seule-dans-les-rangs-inconnus-de-l’ile-de-France, carrefours giratoires, priorité à droite (c’est quoi ça ?!?) rencontre inattendue du pare-choc et d’une bitte, etc.). Je me méfie un peu de cette équation, je ne suis pas très bonne en calcul...
Puisque nous sommes à la campagne, nous nous divertissons avec les activités typiques de la région : faire des ballades à pied. Aujourd’hui, pour faire passer ma rage d’exister (ce billet était beaucoup plus sarcastique avant que je ne sorte de la maison), nous sommes allés prendre une marche de deux heures. J’avais remarqué un chemin qui ne menait nulle part dans le champ d’à côté et nous l’avons emprunté gaiement mains dans la main. Il nous a menés tout d’abord à la sépulture de la famille Laurent, les propriétaires de la ferme que nous louons. Puis nous avons traversé une forêt (où nous avons vu plusieurs fois l’arbre de Merlin L’Enchanteur), un autre champ, puis une route asphaltée est soudainement apparue, nous l’avons suivi jusque dans une sorte de lande (ce qui m’a rappelé qu’il y a toujours un loup dans les landes, selon les livres d’histoires qui se passent en France) qui débouchait sur une autre route (oho!) où il n’y avait que des ranchs équestres, dont celui qui appartient à une branche de la famille Laurent. J’habite au pays du cheval (je me demande si ce n’est pas moins cher qu’une automobile ?!? Chéri dit que non...). Nous avons longé une muraille de pierre d’une autre époque dont la mousse et le lierre s’étaient emparés depuis longtemps, et ni vus ni connus nous sommes arrivés à l’entrée de Bonnelles. À la maison, deux inconnus étaient entrés en voiture dans la cour. Je pensais que c’était des drogués qui montaient dans les combles pour aller chercher une cargaison de poudre cachée, qu’on allait devoir appeler la police, qu’ils leurs passeraient les menottes et que ça gueulerait... ben non.

2 commentaires:

Danger Ranger a dit…

Hey Rachel! Je lis ton blogue. C'est le fun d'avoir de tes nouvelles comme ça, et t'as du style!
Bonne chance pour ta nouvelle vie; t'as eu du courage pour prendre cette décision et aller jusqu'au bout!

Éric a dit…

Quel bonheur de te lire.

Et, je veux, non, que dis-je, j'EXIGE la version "director's cut" emplie du sarcasme rachélien que j'aime tant.