mercredi 28 mai 2008

Père Noël en prolongation

Bon. J’ai le regret de vous annoncer que c’est sans doute la dernière fois que je rapporte les paroles d’un Français sur ma condition de colonisée, parce que franchement, celle-là est dure à battre (mais on sait jamais. D’ailleurs, plus rien ne m’étonne maintenant.)
Je m’en vais à la pharmacie de Bonnelles pour chercher mon médicament. Premièrement, j’ai eu l’air d’une touriste (ou d’une conne, c’est selon) parce que j’étais sûre que ça fonctionnait comme chez Jean Coutu : tu dis ton nom et puis le pharmacien te donne ce qu’il y a d’inscrit dans ton dossier, sans crier gare. Non. Ici, il faut garder sa prescription précieusement et la redonner à chaque fois. J’ai donc commencé par retourner chez nous pour chercher ladite prescription. De retour à la pharmacie, tout se déroulait normalement jusqu’à ce que la pharmacienne remarque mon accent :
- Vous devez venir du Cânâdâ avec un accent comme çâ...
- (on dirait qu’elle parle comme Père Noël...) Oui
- Vous êtes en stage au ... (j’ai pas compris ce qu’elle a dit)
- Pardon?
- (En articulant) Vous êtes en stage, vous venez pour améliorer votre français? C’est bien...
- (AYOYE! Elle est pas souvent sortie de Bonnelles la pharmacienne) Bwofff...
J’ai répondu «Bwoff», parce que, franchement, je savais pas quoi répondre à ça. J’étais même pas frustrée, je venais de franchir un cap dans ma capacité de m'étonner ou d'être abasourdie. Au lieu de me dire que ça avait pas-de-maudit-bon-sens-de-dire-des-affaires-de-même (ce qui est quand même vrai, on s’entend...) je me suis juste demandé pourquoi, mais pourquoi, le Québec francophone n’est pas sur la map cérébrale des inconnus que je rencontre. Ils vont pas à l’école ou quoi? Au fond je m’en fous, sauf que je trouve que la pharmacienne est vraiment... naïve, ou c’est peut-être moi qui a des obsessions territoriales et qui meurt d’envie de vouloir exister ailleurs. Bwoff...

*****

En rentrant, j’ai regardé mes courriels et OH BONHEUR, la secrétaire du département des littératures etc. m’avait écrit pour me dire qu’il fallait que j’écrive une lettre de motivation (j’adore les lettres de motivation, je suis full motivée) pour obtenir une prolongation... eh oui, des choses qui arrivent, je ne terminerai pas mon mémoire dans les temps. À la demande générale, (je dédicace cette lettre à Éric Samson-Lalère : elle aurait été bien meilleure si je l’avais écrite en sa compagnie), voici ce que j’ai écrit :

À l’attention de Monsieur XXX, responsable des études supérieures du Département des littératures de langue française.

Objet: Demande de prolongation

Monsieur,

Horreur et damnation, je ne pourrai pas finir mon mémoire pour le 31 août prochain et cela m’attriste de devoir vous demander une prolongation. Voici donc les quelques raisons qui expliquent ma situation.


Voulant demeurer éternellement étudiante, il me semble qu’une prolongation entre en parfait accord avec ce statut et s’impose pratiquement d’elle-même. J’entretiens également l’ardent désir de continuer à chialer parce que je n’ai pas de cash. Vous comprendrez que cela ne serait pas possible si je ne pouvais accéder à la réinscription en rédaction à la maîtrise. Je devrais me trouver un emploi et vaquer à des occupations d’adulte, ce qui m’intéresse peu étant donné que j’ai choisi d’étudier en lettre, plus précisément dans le domaine de la dramaturgie qui, comme vous le savez n’engendre que des critiques douteux, de vulgaires comédiens et des pelleteux de nuages. Si je n’obtiens pas cette prolongation, je n’aurai plus de quoi occuper mes journées et vous savez comme moi que la nature a horreur du vide. Ceci sans compter que vous m’avez offert l’an dernier une bourse de rédaction qui m’apparaît comme un montant astronomique en regard du budget de l’Université. Il serait dommage et paradoxal que vous ayez investi cette somme dans le remboursement de ma Mastercard, pour finalement me balancer à la rue...

Je me trouve donc dans le devoir de vous implorer de m’accorder le sursis d’une session supplémentaire afin que je puisse continuer de me vautrer dans la déchéance estudiantine ainsi que dans le soliloque ingrat de l’écriture scientifique. Et qui sait, grâce à cette prolongation, peut-être ferez-vous de moi un professeur de français au CEGEP du Vieux-Montréal ? C’est un pensez-y-bien.

Dans l’attente de votre réponse, qui de toute façon sera positive, veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Rachel

Pas pire... mais je suis ouverte aux suggestions.

1 commentaire:

Joffrey MONNIER a dit…

Merci pour le message... C'est marrant parceque ma prochaine destination pourrait bien être le Canada (Mûvmedia, tu connais ?). Pour la lettre, ne change rien, c'est tout simplement parfait ! Pour une fois dans sa vie de "responsable des études supérieures du Département des littératures de langue française", Monsieur XXX devrait rire un peu...