lundi 10 mars 2008

Le grand galop du cheval-vapeur

Enfin un événement hors du commun s’est produit dimanche en fin d’après-midi. Alors que nous étions chez Nono et Monchat (les parents de chéri), où nous avions fait bombance et ripaille toute la journée (c’est la coutume ici dans les Vieux Pays) et que nous étions pompettes et ravis par la victoire du XV de France sur celui de l’Italie, chéri et moi sommes sortis pour fumer une bonne Lucky Strike filtre (il n’y en a qu’en Europe) sur le perron de la maisonnette aux volets blancs de St-Rémy-lès-Chevreuse. Le jour tirait presque à sa fin lorsque nous vîmes poindre entre les haies, où scintillaient comme des joyaux les gouttelettes de pluie printanière, le pare-choc d’une Renault Laguna vert émeraude reconduite par nulle autre que notre fée marraine bien-aimée qui venait en ce jour béni nous céder son magnifique engin. Ce n’était pas seulement qu’un simple moyen de transport qui s’était approché dans la rue. J’avais devant les yeux toute l’histoire de l’automobile, de la vapeur au moteur à explosion jusqu’au Taylorisme, puis j’ai eu une pensée pour les voitures qui ont marqué ma vie. Je me souvenais de la Rabbitt vert gazon d’un de mes ex. Immortelle Volkswagen, la carrosserie avait flanché avant le moteur. J’ai repensé bien sûr à ma Buick Régal 1991, intérieur beige-brun-sale, assez grande pour huit passagers, qui sentait le cendrier et que je pouvais parker dans les pires bancs de neige de la rue Marianne. J’avais en tête les allers-retours à Québec, les jours de l’an à l’Isle-aux-Coudres, et mes grosses lunettes fumées à la Joplin que je portais exprès pour faire rétro au volant de mon char-de-vieux. Je me suis aussi souvenue de mon Ford campeur, de la fois qu’il m’avait lâché sous un soleil de plomb, rue Papineau, dans le trafic du vendredi, de la guêpe géante qui était rentrée par la fenêtre dans une station service sur la route de Tadoussac. J’avais vraiment capoté... Ce qui se trouvait alors devant moi c’était toute mon histoire mobile et la promesse de nouveaux jours heureux.

La fée marraine est sortie de la voiture sans dire Bibbidi bobbidi boo et nous a tout de suite annoncé que le frère de chéri avait eu un accident ce matin, qu’il était correct, mais que son char ’tait scrap (... elle l’a pas dit comme ça, mais c’est ce que ça voulait dire). Conseil de famille : il y a une petite brise froide qui tend un peu l’atmosphère. Tout le monde se regarde du coin de l’oeil et n’ose pas prononcer la sentence fatidique... nous prêterons la voiture au frère de chéri (dans cette parenthèse, on m’entend pleurer à chaudes larmes...) jusqu’à ce qu’il puisse s’en procurer une autre. Horreur et damnation, était-ce un acte manqué de la part du beau-frère? Secret de famille... Bref, chéri et moi sommes rentrés à la maison, assis à l’arrière de la Renault 19 familiale, comme deux petits enfants, avec un saucisson de Lyons et des macarons comme prix de consolation. Alors que je cherchais à m’étonner devant un lapin, un renard ou un sanglier qui se serait trouvé aux abords de la route nous menant jusqu’à Bonnelles, une sonnerie de portable inédite (elles le sont toutes en France) se fit entendre dans la voiture. C’était la fée marraine qui nous informait que la clotche de la Renault Laguna avait lâché (...elle l’a pas dit comme ça...). J’ai eu alors un fou rire nerveux, ce qui m’a valu un coup de coude de la part de chéri qui n’entendait pas à rire. J’avais juste envie de dire «c’est le boutte d’la marde !!!!», mais puisque personne n’aurait compris, j’ai plutôt secoué la tête en regrettant, encore une fois, le temps où on l’on allait à cheval.

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